Le 28 avril 2021
- Réalisateur : Abbas Kiarostami
- Genre : Expérimental
- Nationalité : Iranien
- Date de sortie : 4 mai 2021
- Durée : 1h54mn
- Plus d'informations : Potemkine (boutique en ligne)
- Festival : Festival de Cannes 2017
Une œuvre ambitieuse, qui rend justice au génie d’Abbas Kiarostami à titre posthume. Cette magie d’une nature bien vivante, autant observée que créée, fascine les enfants que nous sommes restés au fond de nous. Le film est inédit en France et ce n’est pas cette édition, limitée et numérotée à mille exemplaires, qui devrait beaucoup contribuer à sa notoriété.
Résumé : « Abbas » Kiarostami signe avec "24 Frames" une oeuvre-somme, fruit de toute une vie d’expérimentations artistiques. À la croisée du cinéma, de la photographie et de la poésie, le film est constitué de 24 images fixes, pour beaucoup ses propres photographies, mises en mouvement numériquement, afin de donner l’illusion aux spectateurs que la vie a commencé avant et continuera après… "24 Frames" n’a pas son pareil dans l’histoire du cinéma. Le film invite à un voyage sensoriel et méditatif, véritable célébration de la vie et ode à la nature. Ces 24 séquences sont autant de moments de grâce et de poésie, sans oublier l’humour et le suspense. {24 Frames} est le dernier film de Kiarostami sur lequel il a travaillé pendant cinq ans ans, et qui a été achevé par son fils, Ahmad, à sa mort. À noter que tous les choix artistiques avaient déjà été faits par Abbas Kiarostami.
Critique : Par son dernier film 24 Frames, Abbas Kiarostami renoue avec l’esprit du département cinéma du studio Kanoun, l’Institut pour le développement intellectuel des enfants et des jeunes adultes, qu’il a porté et incarné il y a un demi-siècle, en tant que premier directeur. Il explique son geste en ces termes : « Je me demande toujours dans quelle mesure les artistes cherchent à représenter la réalité d’une scène. Les peintres et les photographes ne capturent qu’une seule image et rien de ce qui survient avant ou après. Pour 24 Frames, j’ai décidé d’utiliser les photos que j’ai prises ces dernières années, j’y ai ajouté ce que j’ai imaginé avoir eu lieu avant ou après chacun des moments capturés. »
- (c) Abbas Kiarostami (c) Ahmad Kiarostami (c) CG Cinéma
Si le phénomène des tableaux vivants est devenu tendance, sous l’effet conjugué des technologies numériques, des modèles et standards d’écriture télévisuelle, des progrès de la publicité de création, ainsi que des affiches sur les écrans de l’espace public, Abbas Kiarostami y a ajouté des ingrédients et une approche qui rendent ce film posthume d’une originalité et d’une invention à l’image de son talent et de son œuvre.
(c) Abbas Kiarostami (c) Ahmad Kiarostami (c) CG Cinéma
Vingt-quatre photographies ou tableaux mis en mouvement deviennent le prétexte à imaginer l’avant et l’après du plan-tableau nié dans son immobilisme et sa fixité. « Frame » après « frame », la place de la musique fait peser sur chaque photogramme numérisé et bousculé un rééquilibrage par rapport au son. Focalisé sur les détails mouvants des tableaux, le spectateur est en voyage dans une histoire des images fixes données à la vie et à l’animation. Ce supplément d’âme dont Abbas Kiarostami fait don aux objets peints et photographiés, aux animaux de pinceaux et de pellicule, nous trouble par son caractère existentiel. S’en dégage une poésie digne des Hafez, Saadi, Ferdowsî qui ont fait rayonner les cultures persanes dans le monde, depuis plus d’un millénaire. C’est au moment de sa disparition - c’est Ahmad Kiarostami, l’un de ses fils, qui le finalisera après sa mort - qu’il donne ainsi vie à des êtres sans autres existences que celles de nos représentations de spectateurs.
- (c) Abbas Kiarostami (c) Ahmad Kiarostami (c) CG Cinéma
Comme Ahmad Kiarostami, son fils, en témoigne à l’occasion d’une projection du film au Lincoln center à New York, son père jouait une dernière fois avec nous. Il manie l’oxymoron en renouvelant le tableau vivant, en donnant vie à des images de « nature morte », à la veille de sa propre mort, et en encadrant de nombreuses scènes de vie dans des cadres matérialisés par des fenêtres, sortes de lucarnes ouvertes sur un monde que l’on a perdu l’habitude de contempler. Cette attention aux détails du tableau d’incipit Chasseurs dans la neige de Peter Brueghel pourrait offrir à voir la menace qui pèse sur ces proies faciles. Il n’en est rien. En choisissant ce tableau, Kiarostami rejoint Andreï Tarkovski (Solaris, Le Miroir), Alain Tanner (Dans la ville blanche) et Lars von Trier (Melancholia), dans une série de films où ce même tableau de la peinture flamande joue différents rôles. En choisissant l’hiver et en appuyant ce choix par une récurrence des images de paysages neigeux, il suggère le crépuscule de vie et offre à ses proches une matière pour faire leur deuil. Sans doute cite-t-il leConte d’hiver de Rohmer autant que celui de Shakespeare. En choisissant de mettre en mouvement les animaux, les oiseaux, les groupes et les individus, il interroge l’étymologie grecque du mot « cinéma ». Ces oiseaux sont ceux de Zeuxis autant que ceux d’Hitchcock. Cette caractéristique technique du 24 images seconde, typique du septième art depuis l’invention des projecteurs automatiques, à laquelle le titre se réfère, n’est plus la condition de la création cinématographique.
Ce film testament nous laisse orphelins d’une certaine idée du septième art. Ainsi, le clin d’œil final aux Plus belles années de notre vie de William Wyler atteste de cette appartenance à cette grande épopée.
Cette idée, tout à la fois, perpétue l’histoire, qui, devenue numérique, s’adapte aux nouvelles manières de créer des images (en se rapprochant autant du cinéma d’animation que des arts numériques et ludiques) et conclut une œuvre qui, à la manière d’une initiation spirituelle, ouvre et élargit l’horizon. C’est ce dont Jean-Luc Godard parle quand il prétend : « le cinéma commence avec D.W. Griffith et prend fin avec Abbas Kiarostami. »
Le son
Nous pouvons juger de la qualité et de l’importance de ce travail sur la bande musicale. Par rapport aux conditions de la projection de 2017 au Festival de Cannes, nous avons forcément affaire à une version du film dégradée, mais le travail d’édition est soigné et abouti.
L’image
Une restitution d’excellence. Lumière et photographie de très bonne facture.
Les bonus et suppléments
Le livret de 64 pages est très intéressant. Il comprend les 48 photogrammes du film, "Kiarostami ou le happy end du cinéma" d’André Habib et un choix de poèmes d’Abbas Kiarostami, issus des recueils "Avec le vent" et "Un loup aux aguets". On y trouve un bonus à partir de la conversation entre Ahmad Kiarostami, le fils d’Abbas Kiarostami, et Godfrey Cheshire, critique de cinéma au Film At Lincoln Center (2018, 42’), et le making-of "Print" de Salma Monshizadeh, assistante d’Abbas Kiarostami, sur les coulisses du film (2019, 14’).
24 FRAMES_bande annonce from POTEMKINE FILMS on Vimeo.
Le combo sortira le 4 mai, en même temps que le coffret "Les Années Kanoon", et en même temps que le lancement de l’événement Kiarostami au centre Pompidou, les ressorties en salles avec Carlotta et en librairie avec Gallimard.
Combo DVD/Blu-ray + livre - éditions Potemkine : Prix 24.99€ TTC
Galerie Photos
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