Devoir conjugal
Le 10 octobre 2005
Un souçon de poil à gratter sur nos bons préjugé. Ça démange et c’est redoutablement pertinent.


- Auteur : Isabelle Minière
- Editeur : Le Dilettante

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Avec Un couple ordinaire, Isabelle Minière répand un soupçon de poil à gratter sur nos bons préjugés : ça démange, mais finalement c’est salvateur, parce que redoutablement pertinent.
Qu’est-ce donc qu’un couple ordinaire ? Si l’on se base sur les principes d’une ô combien classique éducation judéo-chrétienne, renforcée par les contes de fée de notre enfance et mâtinée d’un soupçon de culture audiovisuelle, une réponse se dessine quand même clairement. La femme moderne, trentenaire, a un bon job, mais pas trop envahissant car elle aime avant tout ses enfants. Quant à son compagnon, il évolue professionnellement, s’investit à fond. Cliché ? Archaïque ? En tout cas, c’est ce que semble penser Isabelle Minière dans Un couple ordinaire, puisqu’elle y dissèque avec justesse et ironie, un couple exactement symétrique.
Le cas observé ici - puisqu’il s’agit presque parfois d’une étude sociologique tant le regard de l’auteur est aiguisé - est celui de Béatrice et Benjamin. Béatrice a de la classe, elle est belle, intelligente, cultivée, artiste (elle écrit des livres pour enfants) : c’est en tout cas ainsi que tout le monde la perçoit. Et à ses côtés, le falot Benjamin, pharmacien, enfin vulgaire marchand médicaments comme il se décrit lui-même, simple employé. Il résume d’ailleurs le couple en ces mots : "Béatrice et moi, nous sommes des personnes qui habituellement ne se mélangent pas : elle est serviette (brodée), je suis torchon". Le couple pourrait fonctionner si Béatrice respectait son compagnon, mais ce n’est pas le cas : elle est autoritaire, dominatrice, maîtresse en chantage affectif, dévorée d’ambition par procuration... On pourrait considérer que Benjamin est un faible, mais s’il subit cet enfer quotidien, c’est par amour pour sa fille, Marion. S’il le pouvait, il resterait à la maison pour la regarder grandir... Mais un vent de révolte souffle sur le domicile conjugal et Benjamin apprend à dire non.
Nul besoin d’un pavé à Isabelle Minière pour décortiquer le couple moderne : sa verve et son style caustique suffisent à toucher juste. Et finalement, quelle que soit la configuration familiale, le secret de la réussite est tellement évident, là sous nos yeux qu’on l’en oublie : le respect et l’écoute.
Isabelle Minière, Un couple ordinaire, Le Dilettante, 2005, 187 pages, 14,50 €