Le 13 février 2017


- Scénariste : Navie>
- Dessinateur : Carole Maurel
- Collection : MIRAGES
- Genre : Historique, Chronique sociale
- Editeur : Delcourt
- Famille : BD Franco-belge
- Date de sortie : 25 janvier 2017
Un récit somptueux d’un immeuble parisien, et de ses occupantes sous l’Occupation
Entre 1942 et 1944, beaucoup de choses se sont passées. Si les batailles et intrigues politiques ont vu fleurir les œuvres, le quotidien de l’Occupation est une matière moins historique, plus littéraire et fictive. Irène Némirovsky a écrit des romans sublimes, et le duo Navie et Carole Maurel reprend bien le flambeau pour le monde de la bande dessinée. Dans cette chronique sociale et humaine, qui partage les nombreux soucis et rares joies des habitantes, qui ont chacune un rôle : la concierge curieuse, la vieille fille acariâtre, la jeune célibataire obligée de vendre ses charmes, la mère juive sous couverture, la femme enceinte maltraitée par son mari, et une résistante amoureuse d’un allemand... Les personnages sont évidemment entrevus, mais ces petites scènes suffisent pour s’attacher, pour comprendre et apprendre de ces situations. Les femmes sont tantôt fortes ou faibles fières ou frêles, mais le lecteur ne peut que voir la vérité : si les hommes sont à la guerre, les femmes n’en sont pas moins victimes de sa violence, plus quotidienne, plus insidieuse, mais elles évoluent dans un milieu difficile. Ce quotidien est ainsi montré par intermittence, en évoquant des moments cruciaux ou anodins, mêlant la résistance amoureuse à celle du peuple, une saga très mélancolique et très digne de quelques femmes perdues dans une cage d’escalier, au milieu d’un siècle tourmenté.
© Delcourt
Du côté du dessin, le constat est tout aussi élogieux : des couleurs bien choisies, des visages bien différents et bien chaleureux, une belle restitution du Paris occupé. Les personnages deviennent très vite familiers, leurs sourires simples donnent envie d’en faire de même, mais les grimaces et expressions de colère peuvent rapidement effrayer. Le contexte de la Seconde Guerre mondiale a ce pouvoir crispant, qu’il fait envisager le pire. Pour chacune, les destins seront aléatoires, la paix qui revient en 1945, et l’épilogue a cette tension, qui se retrouve à la fois dans le scénario et dans le dessin. C’est là toute la force de ce graphisme, il est aussi doux qu’il peut être violent, aussi délicat que décisif. Parler en même temps de romance et de prostitution, de collabo et de juste, c’est un grand écart que la vie amène parfois, et que le coup de crayon de Carole Maurel réunit parfaitement.
© Delcourt
Collaboration horizontale est un one shot formidable, et on ne peut que regretter que ce ne soit pas une série. Les alliés arrivent pour ainsi dire beaucoup trop vite, et les péripéties auraient mérité une bonne dizaine de tomes supplémentaires.
148 pages - 17,95€