Phoolan Devi . Reine des bandits - La chronique BD

Les amateurs de Culottées auront reconnu un nom déjà entrevu dans la très belle série de Pénélope Bagieu. Claire Fauvel a décidé que cette héroïne des temps modernes méritait un album entier, afin de raconter une histoire qui déconcerte, tant la vie n’a pas épargné cette jeune fille, devenue femme trop tôt, indépendante trop tard, qui sera meneuse de bande, et enfin députée (même si ce côté politique ne sera pas détaillé dans le livre). Dans les campagnes reculées de l’Inde, le viol est plutôt courant, et cette pratique, Devi l’a hélas subie non pas une, mais plusieurs fois. Ces brisures, ces meurtrissures de son corps, n’ont heureusement pas complètement éteint son esprit, qui se révèle pas seulement vengeur et empli de colère, mais avec une vraie sagesse et l’envie de changement. Devi est une femme qui ne connaît pas le statu quo, et qui vit pour le mouvement et l’évolution, chacune des périodes de sa vie semble nous le prouver. Depuis son cocon familial jusqu’à son premier amour, de la maison du maire du village à la prison d’état, chaque étape n’a pas de vocation littéraire précise, sinon celle de montrer que cette femme a été unique et exceptionnelle, car elle ne s’est jamais découragée, ou plutôt n’a jamais été arrêtée, par le pouvoir des hommes et surtout leur violence. Exemplaire malgré son côté rebelle et meurtrier, le lecteur n’a que compassion et empathie à livrer à ce destin.

© Casterman

Le dessin, s’il demeure juste du début à la fin, n’a pas de vraie beauté. Les décors sont pauvres, les étendues semi-désertiques, les personnages ont des mines ravagées, des policiers ripoux aux dents dégoûtantes aux rebelles qui vivent dehors et semblent avoir une couche de crasse, il n’y a pas de personnages ou de paysages magnifiques dans cet album. Un rendu réel qui n’empêche pas de déceler une certaine évolution, avec l’insouciance du début qui laisse place à des scènes fortes, dérangeantes, où le viol ne doit pas être éludé, mais montré dans son horreur, concernant de plus une enfant sans défense. Pas de grâce mais une efficacité pleine et entière pour un album sérieux, et un dessin qui lui colle, plus dur qu’aventurier.

© Casterman

Quelque peu salissant mais vraiment intéressant, le destin de Phoolan Devi doit être raconté, quitte à montrer un versant de l’Inde, inquiétant voire dégoûtant. Ce récit est d’autant plus percutant qu’il est vrai, et la bibliographie finale est d’ailleurs là pour emmener encore plus loin.