Le 1er juillet 2021
- Titre original : The Imposter
- Distributeur : Pathé Distribution, Gaumont Distribution
- Genre : Drame, Documentaire
- Date de sortie : 17 avril 2013
- Durée : 1h45min
- Titre original : The Imposter
- VOD : YouTube, MyCanalVOD, Orange, PlayStore
Le réalisateur Bart Layton pervertit la forme documentaire et interroge à travers The Imposter le regard critique du spectateur, tout en altérant sa propre dimension diégétique. Jamais la fiction n’aura été aussi dévastatrice.
Résumé : À partir de 1990 et jusqu’en 2005, Frédéric Bourdin usurpe l’identité de centaines de personnes (la plupart fictives) à travers le globe. Ce documentaire est centré sur la façon dont il s’est fait passer pour un jeune Américain porté disparu auprès de sa famille.
Critique : The Imposter n’est pas un documentaire à proprement parler, il s’agit davantage d’une symbiose insondable et durablement fascinante entre la réalité tangible de faits avérés et sa contamination par une fiction orchestrée avec maestria par le cinéaste Bart Layton et son complice et collaborateur consentant Frédéric Bourdin. The Imposter esquisse le portrait d’une homme ayant su contourner l’administration américaine pour usurper l’identité d’un garçon disparu trois ans auparavant aux États-Unis et infiltrer une famille désespérée avec une facilité déconcertante. Un exploit, si l’on peut dire, qui sonne comme un coup de maître dans une société qui n’est plus que spectacle et projection. En effet, à travers son dispositif de mise en scène particulièrement ingénieux, Bart Layton se plaît à tordre ses mécaniques de narration et balayer d’un revers de main nos suspicions et interrogations profondes quant à l’énigme absconse qu’est Frédéric Bourdin. Alors que la plupart des interviews captées par Layton, principalement celles des membres de la famille et les quelques personnes ayant été impliquées de près ou de loin dans l’affaire Nicholas Barclay, ressemblent peu ou prou à un un format documentaire des plus classiques, avec des intervenants clairement placés dans leur environnement, Frédéric Bourdin a droit à une mise en image reflétant sa propre psyché, un visage impénétrable au milieu d’un océan de vide avec une profondeur de champ nulle. Ce qui fait la richesse de The Imposter est la capacité de Layton à pousser les curseurs du genre documentaire, à tel point que la forme même s’en trouve pervertie, comme contaminée par son protagoniste, mélomane, qui peut à loisir orienter l’enquête et brouiller les identités de chacun, à la seule fin de servir son propre intérêt et ainsi faire du spectateur un complice, voire un agent potentiel du système médiatique.
The Imposter est aussi le portrait désespéré d’un génie de l’usurpation, Frédéric Bourdin, un homme piégé de sa propre machination avortée, qui se retrouve à orchestrer sa propre fiction au sein d’une réalité tangible et construire, à travers cette société de l’image, une apparence dénuée de libre arbitre et d’émotions. Le discours qu’il tient relève tantôt de l’auto-congratulation, tantôt de la mise en scène quasi théâtrale, bien soutenue par des séquences illustratives très cinématographiques. Ainsi, l’on assiste à la naissance d’un véritable caméléon qui se plaît à tordre la vérité et déformer la réalité, pour plonger plus onctueusement dans la fiction pure d’un protagoniste maîtrisant chaque aspect de son récit témoignage, offrant ainsi au spectateur une expérience immersive inédite. Layton, lui-même victime du récit labyrinthique de Bourdin lors de la pré-production du film, entreprend alors de nous faire vivre ce même choc en nous annonçant dès le début les balbutiements de cette impressionnante arnaque, pour ensuite laisser place à l’intéressé qui n’aura de cesse que d’entraîner son auditoire dans les tréfonds de l’abîme du thriller psychologique à part entière. The Imposter se mue ainsi en une troublante métaphore du narrateur non fiable, car Layton nous rappelle bien que tout est une question de point de vue. Ce qui s’apparente en premier lieu à un film documentaire linéaire et sans digressions se révèle être parasité, au gré des tergiversations de son antihéros, pour devenir une fiction à part entière.
On pourrait s’interroger brièvement sur les limites éthiques et morales d’un tel dispositif, mais Layton, conscient de l’efficacité redoutable de sa technique de montage, conditionne le moindre des faits et gestes relatifs au déroulement des événements. The Imposter confronte dès lors le pouvoir du montage, doublé d’une maîtrise totale de son sujet, à la mécanique inviolable de manipulation de Frédéric Bourdin, et fait ainsi ressentir un calvaire similaire à celui vécu par la famille Barclay. En définitive, au delà de l’évocation sommaire d’une sombre affaire judiciaire, The Imposter se pose davantage comme une extension physiologique de son suspect avéré, capable alors de retourner la réalité à son avantage et effacer ce qui subsistait de notre suspension d’incrédulité, pour transformer le monde en un univers fictionnel insaisissable et insoluble, à l’instar de Frédéric Bourdin.
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