The Disaster Artist : derrière le film The Room, une profonde réflexion sur le 7e art

Notre avis : Tous les fans français du nanar culte The Room se le sont déjà arrachés. Il faut dire qu’ils ont dû attendre pas moins de 3 ans et demi depuis sa sortie aux Etats-Unis avant que l’éditeur Carlotta ait la bonne idée de le publier en France. La fanbase est bien sûr un marché moins florissant qu’outre-Atlantique, il aura donc fallu que l’adaptation réalisée par James Franco fasse parler de The Room parmi le public peu amateur de nanars pour que The Disaster Room arrive enfin dans nos librairies. L’attente n’aura pas été vaine : le récit autobiographique de Greg Sestero répond parfaitement à ses promesses. Il semble en fait que –une dizaine d’années de tournées promotionnelles aidant– il ait parfaitement réussi à capter les attentes des amateurs du film réputé comme « le plus nul de l’histoire du cinéma ».

Son principal parti-pris est de ne pas avoir bêtement suivi une linéarité chronologique mais d’avoir fait alterner ses chapitres entre deux arcs narratifs : la vie en commun entre Greg et Tommy Wisseau, d’une part, et le tournage de The Room d’autre part. Toute la moitié du roman consacrée à la réalisation chaotique du film regorge d’anecdotes croustillantes qui vont alimenter –si ce n’est déjà fait– le mythe autour de ce ratage artistique. Il va de soi qu’il est nécessaire, pour pleinement apprécier les difficultés qu’ont engendré chaque scène, d’avoir vu celles-ci, et donc le film. Autant dire que le livre s’adresse aux fans (à l’inverse de l’adaptation de Franco qui cherche à le faire découvrir et qui d’ailleurs a volontairement survolé la partie consacrée au tournage). L’autre partie nous introduit le personnage Tommy Wisseau. Là encore, les anecdotes s’accumulent pour le plus grand plaisir des lecteurs.

L’histoire tel que nous la raconte Sestero n’est cependant qu’une farce absurde sur cet homme aussi mystérieux qu’extravagant. Son témoignage sur le regard plein de naïveté qu’il posait sur le rêve hollywoodien et sur sa frustration de le voir inaccessible apporte à son roman une certaine part de mélancolie. L’émotion est évidemment également présente dans la relation qui se tisse entre lui et Wisseau. Une relation tour à tour teintée de fascination et de répulsion, et on le comprend. Sestero ne cessera en revanche jamais d’avoir en tête de percer le mystère qui entoure son meilleur ami, et nous livre même une théorie (parfaitement réaliste) sur son passé. Ce passage est d’ailleurs assurément le plus touchant du livre. L’un des autres partis-pris de l’auteur est d’avoir fait cesser son récit avant la première projection de The Room. Même s’il s’est ensuite senti obligé de revenir sur la naissance du culte autour de ce nanar dans la préface, sa conclusion est la preuve ultime qu’il s’adresse à des lecteurs déjà au fait de sa réputation internationale de « Citizen Kane des mauvais films ».