Le 9 juillet 2003
Un jeu d’ambitions croisées à l’intrigue un peu molle mais parsemé d’interrogations sincères .
En panne d’inspiration, une célèbre romancière attire chez elle une jeune lectrice censée lui servir de modèle pour son prochain livre. Tant que nous vivons est un jeu d’ambitions croisées à l’intrigue un peu molle mais parsemé d’interrogations sincères sur la création littéraire et la futilité du succès.
Judit a 20 ans, vit avec sa mère et son frère dans une banlieue de Barcelone, s’y ennuie ferme et voue un culte obsessionnel à la célèbre romancière Regina Dalmau. Par un de ces heureux hasards qui font la vie, et (surtout) les romans, Regina Dalmau, lors d’une conférence qu’elle donne dans une salle de quartier, repère la jeune fille au milieu de toutes ces femmes à la quarantaine dépassée qui composent son fidèle lectorat, et l’invite chez elle. Judit se rend donc chez Regina, transportée par le bonheur d’être conviée par sa brillante idole et aussi persuadée que Regina l’aidera à sortir de sa misère et à devenir, elle aussi, un grand écrivain. De son côté, Regina, convaincue par son agent de renouveler le thème de ses romans et de se préoccuper des jeunes, cherche un prétexte pour attirer Judit et en faire le matériau de son prochain livre.
Argument romanesque somme toute assez élémentaire, comme l’est le début du roman, qui campe de façon trop convenue le personnage de Judit, inutilement complexifié parce qu’elle ne semble être qu’un prétexte. Prétexte pour Regina, afin qu’elle trouve une nouvelle inspiration, et prétexte pour Maruja Torres afin qu’elle parvienne enfin à exposer le véritable nœud de Tant que nous vivons : la crise, structurante et dévastatrice, de cette femme seule de 50 ans qui s’est laissée gagner par un succès facile et qui, par là même, a renié les enseignements de Teresa. Teresa, la 3ème femme du roman, qui tarde trop à apparaître et qui, pourtant, bien que morte depuis de longues années, offre à la fois au récit et à Regina un souffle renouvelé, une nouvelle voie pour s’extirper de cette crise.
Ce sont certes des femmes qui sont les héroïnes de Tant que nous vivons, mais ce qui importe, c’est bien plutôt leur rage farouche d’être femmes et d’être reconnues et respectées comme telles, ce en quoi on sent combien Maruja Torres éprouve d’empathie quasi fraternelle pour ses personnages. Malheureusement, cette volonté de puissance et de domination dont sont dotées Teresa, Regina et Judit, étouffe autant le propos de Maruja Torres que le destin de ces trois femmes, et rend leurs rapports purement intéressés et pas franchement intéressants.
Maruja Torres, Tant que nous vivons (Mientras vivimos, traduit de l’espagnol par Vincent Ozanam), Métailié, 2003, 269 pages, 18,50 €
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