Surtout ne pas trop en dire. Antoine Choplin en dit lui-même si peu. Juste poser le cadre. Pas étonnant pour un roman qui a pour titre un morceau de tableau : "Radeau". Celui de la Méduse, celui de Géricault. Le cadre, donc. 1940. Quelque part en France. "Nuit noire. Noire et claire, douce. L’été quelque part dans l’air." Un camion qui s’éloigne de Paris. A l’arrière, des chefs-d’œuvre du Louvre qu’il faut mettre à l’abri. A l’avant, Louis, et bientôt une femme, qui marchait sur la route. Sarah. Il n’aurait peut-être pas dû. Mais bon. Là. "Et puis la présence d’une femme à bord, c’est pas si mauvais. Ça détourne forcément un peu le regard. Ça met un peu d’innocence dans les choses."

Trois ans plus tard. Ailleurs. Toujours Louis et Sarah. Toujours la guerre. La violence qui surgit. Le bonheur aussi. Posées dans l’herbe, des toiles de maîtres. Géricault, Fra Angelico, Delacroix, Le Caravage. Emouvant. "Une émotion toute simple dans laquelle les choses de l’esprit n’ont pas grand-chose à voir." Ce n’est pas tout. "Il y a autre chose, dit Louis. Un autre souffle." Une invitation à "refuser le contour des apparences, à en bousculer le dessin avec l’unicité de notre regard à nous".

Antoine Choplin écrit bref. Serré. Sobre. Pudique. Gourmand aussi : "Louis se rassoit en face de la fille qui dévore des tartines de pain couvertes d’une épaisse couche de confiture orange." Il met des mots simples sur l’art, sur la vie, sur la mort. Sur le naufrage d’un navire au large du cap Blanc. Sur le naufrage d’un siècle à jamais rouge sang. A coup de riens, de silences, de frôlements, il fait flotter l’espoir sur un esquif de papier. Aussi léger que la neige de l’hiver 44. Une "neige en chute lente".