Les cris du poète longtemps encore résonneront...
Rarement "l’écrit" aura eu une telle connivence avec "les cris". Chez Pasolini, les hurlements intérieurs percent à travers les lignes. Ces mêmes cris qui, plus tard, deviendront les leitmotivs, la griffe même, de ses films.
Poète avant toute chose. Puissant. Fécond. Pier Paolo Pasolini, né à Bologne en 1922, écrit dès l’enfance, est publié par des revues à l’âge de vingt ans, s’échappe d’un camp allemand, écrit un essai sur la mort. Fixé à Rome après ses études, il collabore en tant que critique de spectacle au journal catholique Il Quotidiano, compose divers ouvrages poétiques, réalise une Anthologie de la poésie populaire et un recueil de poésie dialectale. A la même époque, il découvre le sous-prolétariat des faubourgs, une sorte de famille de cœur qu’il dépeindra plus tard, en particulier dans Uccellacci e uccellini (1966), sa seule comédie, son meilleur film peut-être, où Toto et Ninetto Davoli, son acteur fétiche, arpentent la campagne romaine en compagnie d’un corbeau philosophe.
Exclu en 1950 du parti communiste et de l’enseignement pour "indignité morale", il gagnera sa vie en tant que précepteur, correcteur, critique culturel pour la radio et journaliste de presse écrite. Dans une Italie sévèrement catholique, Pasolini, le marginal, gagne plusieurs récompenses. En 1955 pour son premier roman, I Ragazzi qui lui vaut son premier procès pour contenu pornographique. En 1957, pour son long poème Les cendres de Gramsci, teinté d’emprunts au dialecte frioulan.
En même temps, le scriptural se prolonge chez Pasolini par le pictural. Un goût de toujours puisqu’à l’âge de dix-neuf ans, il peignait déjà, s’essayant à différentes approches, dans le mélange des genres et des matières. Son amour de la peinture, cette "fulguration figurative", ne le quittera d’ailleurs jamais, même si, dès le début des années 50, il se tourne vers le cinéma, en tant que scénariste de Fellini, Bolognini ou Soldati.
En 1961, il franchit le cap de la réalisation avec Accatone. Suivront plusieurs films-clés sur l’enfance et la souffrance, films que les puritains n’auront de cesse de traîner en justice, qu’il s’agisse de Mamma Roma (1962), L’Evangile selon saint Matthieu (1964), Œdipe roi (1967), Théorème (1968), Porcherie (1969) ou Médée (1970), Entre chaque long métrage, il continue inlassablement d’écrire des articles théoriques, des essais politiques, des poèmes, et tourne documentaires anthropologiques et courts métrages.
Pasolini réalise enfin ce qu’il est convenu d’appeler sa trilogie de la vie, composée du Décaméron (1970), des Contes de Canterbury (1971), et des Mille et une nuits (1973), mais la mort l’empêchera de prolonger ses aventures artistiques. Il reste un artiste majeur du 20e siècle, dont l’engagement , l’irrévérence politique et artistique auront toujours eu pour fondement un amour profond de la parole et de l’Italie, produisant des œuvres qui ne cesseront de nourrir et ravir les générations à venir. Pasolini aurait fêté ses 80 ans l’an dernier. Trois jours après la sortie de son ultime film, Salo ou les cent vingt jours de Sodome, le 2 novembre 1975, Pasolini était retrouvé mort, le corps torturé, sur la plage d’Ostie. Un dernier cri qui longtemps encore résonnera.
Filmogaphie
– Accatone (1961)
– Mamma Roma (1962)
– Rogopag (un sketch, 1963)
– Comizi d’amore (1963)
– Il Vangelo secondo Matteo (L’Evangile selon saint Matthieu, 1964)
– Sopraluoghi in Palestina, 1965
– Uccellacci e uccellini (Des oiseaux petits et gros, 1966)
– Le stregne (un sketch, 1966)
– Edipo re (Œdipe roi, 1967)
– Capriccio all’italiana (un sketch, 1968)
– Teorema (Théorème, 1968)
– Amore e rabbia (un sketch, 1969)
– Porcile (Porcherie, 1969)
– Medea (Médée, 1970)
– Il Decameron (Le Décaméron, 1971)
– I racconti di Canterbury (Les contes de Canterbury, 1972)
– Il fiore delle mille e una notte (Les mille et une nuits, 1974)
– Appunti per une Orestiade africana (Carnet de notes pour une Orestie africaine, 1975)
– Salo o le centoventi giornate di Sodoma (Salo ou les cent vingt jours de Sodome, 1975)