Le 20 juillet 2022
La version à la fois expressionniste et psychanalytique du célèbre mythe, par le plus sulfureux des cinéastes italiens.
- Réalisateur : Pier Paolo Pasolini
- Acteurs : Silvana Mangano, Alida Valli, Franco Citti, Ninetto Davoli, Carmelo Bene
- Genre : Drame
- Nationalité : Italien
- Distributeur : Carlotta Films
- Durée : 1h50mn
- Reprise: 20 juillet 2022
- Titre original : Edipo Re
- Date de sortie : 9 octobre 1968
- Festival : Festival de La Rochelle 2022
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– Sortie en version restaurée : 20 juillet 2022
Résumé : Dans une famille bourgeoise de Lombardie des années vingt, un enfant naît, Œdipe. Jaloux de l’amour que lui porte sa femme, son père l’abandonne. Devenu adulte, Œdipe, ignorant sa véritable identité, tue son père et s’éprend de sa mère sans savoir qui elle est.
Critique : Premier film d’une trilogie qui comprend Médée et une version inachevée de l’Orestie, Œdipe roi livre une relecture à la fois singulière et fidèle du célèbre mythe antique. Le film se structure autour de trois parties : la première, ancrée dans l’Italie des années 20, est indéniablement autobiographique et freudienne. On y assiste à la naissance d’un enfant aussi choyé par sa mère -inoubliable Silvana Mangano- qu’il est détesté par son père, un officier italien. Pasolini transpose là sa propre histoire qui aboutira, comme on le sait, à une rupture définitive avec son géniteur, en 1950. Le film s’attarde ensuite, à travers une longue séquence tragique et onirique, sur le destin de l’enfant aux « pieds enflés », promis à une mort terrible dans le désert, recueilli par Polybe, roi de Corinthe, et son épouse Mérope.
Devenu un jeune adulte fort et vigoureux, Œdipe fuit la ville qui l’a vu grandir, après que l’oracle de Delphes lui a annoncé qu’il tuerait son père et épouserait sa mère. Ici, le parti pris de Pasolini n’est pas de restituer avec réalisme ce que fut l’Antiquité grecque : les décors choisis pour le tournage sont ceux du désert marocain, les protagonistes ne portent pas des vêtements qui les ancrent dans une culture et une époque précises, même si nombre d’entre eux, comme le masque du Sphinx, se réfèrent plutôt à l’art africain. L’errance du héros tragique, fuyant la fatalité, le mène jusqu’à une troupe de voyageurs avec lesquels il se querelle et qu’il tue un à un, dans une rage expressionniste formidablement incarné par l’acteur fétiche de Pasolini, Franco Citti.
La suite du film reste fidèle au double sens du mythe, qui se déploie comme une enquête policière et un long chemin de croix expiatoire. La marmoréenne Jocaste éclate de rire lorsqu’il ne le faudrait pas, Œdipe hurle l’horrible réalité aux oreilles de sa mère dans le lit conjugal : la légende œdipienne cristallise un monde totalement déréglé dans lequel les identités sont totalement troublées. Au bras de son fidèle Angelo -joué par un autre acteur favori de Pasolini, Ninetto Davoli- Œdipe, devenu aveugle, traverse le miroir du temps pour parvenir jusqu’au Bologne des années 60, nanti de la flûte de Tirésias, incarnant le devin qu’il avait auparavant rejeté.
Cette dernière partie évoque implicitement la place de l’artiste dans la cité, interroge aussi son rapport au monde. Il n’est pas surprenant que, sensible à la condition ouvrière, le réalisateur italien s’attarde sur une sortie d’usine. Il n’est pas étonnant, non plus, que le personnage condamné à jouer de la musique en solitaire, tandis qu’Angelo s’amuse avec des pigeons, soit ostensiblement ignoré par des flâneurs bourgeois. Mais au-delà de ces lectures symboliques, qui empruntent à une lecture politique du mythe, le film s’avère tout simplement une formidable réussite esthétique.
- © Carlotta Films
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