Le 4 avril 2021
Un film globalement émouvant, porté par l’interprétation de Brigitte Fossey. Mais René Clément illustre aussi, par un réalisme psychologique parfois bien fade, ce que Truffaut appelait alors "une certaine tendance du cinéma français".
- Réalisateur : René Clément
- Acteurs : Georges Poujouly, Madeleine Barbulée, Laurence Badie, Jacques Marin, Brigitte Fossey, Bernard Musson, Lucien Hubert, Denise Péronne, Suzanne Courtal
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Français
- Distributeur : Dulac Distribution, Les Films Corona
- Durée : 1h25mn
- Date télé : 25 novembre 2024 20:55
- Chaîne : Arte
- Reprise: 23 juillet 2014
- Date de sortie : 9 mai 1952
- Festival : Festival de Venise 1952
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Résumé : Les parents de la petite Paulette sont tués lors des bombardements de juin 1940, dans le centre de la France. La fillette de cinq ans est recueillie par les Dollé, une famille de paysans. Elle devient l’amie de leur jeune fils de onze ans, Michel. Après avoir enterré le chien de Paulette dans un vieux moulin abandonné, les deux enfants constituent peu à peu un véritable cimetière pour insectes et petits animaux. Les problèmes commencent lorsque Michel se met à voler des croix pour en orner les tombes du cimetière miniature.
Critique : Sorti quelques années après le traumatisme de la Seconde Guerre mondiale, dont l’exode de 1940 constitue l’un des moments les plus dramatiques, sur le territoire français, Jeux interdits fut un succès mondial, qui lui valut une série de récompenses prestigieuses (Lion d’or à la Mostra de Venise, en 1952, Oscar du meilleur film étranger, la même année), et les honneurs d’une présentation de la petite Brigitte Fossey à la reine Élisabeth II, en 1953 !
Il faut dire que dans le rôle de Paulette, l’enfant est inoubliable : qu’elle parte à la recherche de son chien assassiné, comme ses parents, par la folie des Stukas, qu’elle appelle le jeune Michel, affolée par une solitude qui lui tombe dessus, aussi lourde qu’une tragédie, qu’elle évoque la mort par des phrases d’une confondante sincérité, elle parvient à susciter l’émotion. Un regard, une inflexion de voix suffisent à souligner la densité d’une situation vécue. Les deux enfants constituent l’intérêt principal de ce film sur le traumatisme d’une Seconde guerre mondiale encore très proche.
Jeux interdits, qu’habille la lancinante ritournelle acoustique de Narciso Yepes (un classique de la guitare), est un long métrage hanté par la mort, qui frappe d’abord les populations parties sur les voies de l’exil, puis dans le cœur même du foyer, où l’on se recueille bientôt devant le moribond alité, tandis que le "Notre père" est récité comme une litanie, dans bien des scènes pathétiques. Le film de René Clément n’échappe pas toutefois aux défauts d’un réalisme psychologique, de cette "qualité française" dénoncée par Truffaut dans son célèbre article des Cahiers du Cinéma, en 1954 : on sent dans la construction stéréotypée des figures paysannes la mainmise du fameux duo Aurenche et Bost, tant honni par la génération de la Nouvelle Vague, René Clément faisant aussi partie de ces cinéastes bien sages, qui se contentent d’illustrer des scénarios ou d’adapter platement des romans (ici, en l’occurrence, Les Jeux inconnus de François Boyer). Cette tradition de qualité confère à ce mélodrame une bonne dose d’académisme et des scènes prévisibles. Mais l’essentiel, qui tient sur l’épaule des deux enfants, est sauf : leur tentative d’apprivoiser la mort, en la ramenant aux dimensions de leur imagination, touche globalement le spectateur et lui fait oublier les artifices de la mise en scène.
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