Le 9 juin 2020
Ce premier long métrage est un véritable coup de maître. Xavier Legrand dépasse les conventions d’un sujet de société et propose un film épuré à l’atmosphère étouffante, qui prend réellement aux tripes.
- Réalisateur : Xavier Legrand
- Acteurs : Léa Drucker, Julien Lucas, Denis Ménochet, Mathilde Auneveux, Thomas Gioria, Mathieu Saïkaly, Jean-Marie Winling, Saadia Bentaïeb, Sophie Pincemaille, Jean-Claude Leguay
- Genre : Drame
- Distributeur : Haut et Court
- Durée : 1h33mn
- Date télé : 24 novembre 2021 21:10
- Chaîne : France 2
- Date de sortie : 7 février 2018
- Festival : Festival de Venise 2017, Rencontres cinématographiques de Cannes 2017
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Résumé : Le couple Besson divorce. Pour protéger son fils d’un père qu’elle accuse de violences, Miriam en demande la garde exclusive. La juge en charge du dossier accorde une garde partagée au père qu’elle considère bafoué. Pris en otage entre ses parents, Julien va tout faire pour empêcher que le pire n’arrive.
Critique : Xavier Legrand avait été remarqué par un court-métrage, Avant que de tout perdre (2014), nommé aux Oscars et récompensé aux César. Avec Jusqu’à la garde, son premier long métrage, le cinéaste a fait sensation à la Mostra de Venise, au point de remporter le Lion d’argent du meilleur réalisateur. Et pour un coup d’essai, il n’est pas abusif de parler de coup de maître, tant ce récit d’un couple en désagrégation frappe par un scénario qui rompt avec les conventions, mais aussi par une mise en scène fluide et sobre, qui n’est pas sans évoquer le Kieslowski du Décalogue. Le premier quart d’heure, tant fascinant que déconcertant, donne le ton, avec un plan-séquence éblouissant dans le bureau d’une juge des divorces, qui a convoqué les deux anciens époux, en litige quant à la garde de l’enfant. La plaidoirie des deux avocates donne lieu à une abondance de dialogues juridiques auxquels le cinéma ne nous habitue pas, et laisse le spectateur autant dubitatif que la magistrate quant à la véracité des versions proposées. Antoine est-il vraiment cet ancien époux jaloux et possessif qui exerce une pression sur son ex et ses enfants ? Miriam n’en fait-elle pas trop dans le rôle de la victime, au point de vouloir empêcher un père de témoigner son amour à l’égard de son fils et de sa fille ? Et pourquoi le certificat médical confirmant la blessure de la jeune Joséphine a-t-il été signé par la seule infirmière scolaire ?
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« Chacun a ses raisons », précisait Jean Renoir. Mais la suite de l’histoire, que nous ne dévoilerons pas, fait glisser le métrage vers d’autres sentiers. Jusqu’à la garde n’est pas un film dossier de plus sur le drame du divorce, et évite fort heureusement les dérives lacrymales du surestimé Kramer contre Kramer de Robert Benton. Ce n’est pas non plus le portrait sociologique d’une société en crise qui sacrifie les enfants victimes de l’individualisme des parents, comme avait pu l’être Faute d’amour d’Andreï Zviaguintsev. Enfin Jusqu’à la garde ne cherche pas à concilier étude psychologique et envolées poétiques, à l’instar d’Un week-end sur deux, l’excellent premier long métrage de Nicole Garcia. L’œuvre de Xavier Legrand a donc sa propre approche de cette thématique, la laissant fusionner avec d’autres (la folie ou la violence) et en empruntant les codes du thriller et du film à suspense. Et malgré des références qu’il assume (La Nuit du chasseur, Shining), ou que l’on pourrait déceler (Pialat pour le naturalisme et les scènes d’engueulades), son film ne s’enferme pas dans l’exercice de style de cinéphile.
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Jusqu’à la garde est un bel objet insolite, qui prendra réellement le spectateur aux tripes, avec pourtant une démarche austère et dépouillée aux antipodes d’un cinéma de l’esbroufe. En ce sens, le film réussit là où s’enlisait quelque peu Mon garçon de Christian Carion, qui abordait également la question d’un père en état de souffrance. « La tension vient de l’utilisation des bruits du quotidien et de leur relief, l’écho dans un appartement, le clignotant d’une voiture, une horloge, une alarme. J’y ai pensé très tôt, la dramaturgie sonore était déjà présente dans le scénario. Je ne cherche pas à faire basculer l’histoire dans un climat fantastique, mais à capter le bruissement d’une réalité anxiogène ». Ces notes d’intention éclairent la singularité de la démarche du réalisateur et confirment la rigueur de son art. Il faut enfin souligner la direction d’acteurs magistrale. Le jeune Thomas Gioria est étonnant de retenue, loin du cabotinage de nombreux child actors. Quant à Denis Ménochet, dans une composition à la Jean Yanne, il trouve le meilleur rôle de sa carrière, prolongeant le jeu subtil qu’il avait déployé pour David Perrault ou François Ozon.
– Mostra de Venise 2017 : Lion d’argent du meilleur réalisateur
– Rencontres Cinématographiques de Cannes 2017 : Panorama des Festivals
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