Le prédateur
Le 4 août 2024
Entre symbolisme et inconscient, Charles Laughton parle de l’enfance et de la vérité.


- Réalisateur : Charles Laughton
- Acteurs : Robert Mitchum, Shelley Winters, Lillian Gish, James Gleason, Peter Graves, Billy Chapin
- Genre : Drame, Thriller, Épouvante-horreur, Noir et blanc, Film culte
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Carlotta Films, Les Artistes Associés
- Durée : 1h33mn
- Reprise: 13 avril 2011
- Titre original : The Night of the Hunter
- Date de sortie : 11 mai 1956
- Plus d'informations : Portrait de Harry Powell

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Résumé : Un père est condamné pour vol et meurtre. Avant son incarcération, il confie dix mille dollars à ses deux enfants en leur interdisant de révéler à quiconque l’existence de cette somme d’argent. Pourchassés par un inquiétant prêcheur et livrés à eux-mêmes, les enfants se lancent sur les routes de l’Amérique rurale.
Critique : En 1955, Charles Laughton a déjà trente ans de carrière derrière lui. Grand shakespearien et figure hollywoodienne, il a joué pour Hitchcock, Kubrick, Jean Renoir ou Billy Wilder. C’est alors qu’il réalise son unique long métrage, La nuit du chasseur, dont l’échec commercial le détournera à tout jamais des caméras. Un demi-siècle plus tard, si le film est devenu culte, il reste une perle rare, un objet insolite et hors normes, une parenthèse enchantée dans l’histoire du cinéma.
Le sujet prend sa substance dans l’imaginaire de l’enfance, entre Histoire Sainte et contes de fées, entre rêve et cauchemar. C’est Hansel et Gretel chez Barbe-Bleue, c’est l’ogre et le Petit Poucet, le loup et l’agneau. Laughton conjugue l’inconscient et le symbole pour faire de La nuit du chasseur un stupéfiant poème, une parabole où l’enfant est roi dès lors qu’on lui rend le droit à la parole. Le film touche à la perfection d’une image où se déploie la palette infinie qui relie le noir au blanc, utilisant les ombres, les flous, les contrastes, et le clair-obscur qui rend la vérité des visages et des âmes. Chaque plan semble travaillé comme un tableau, dans une recherche constante d’équilibre et de sens.
Si la première partie garde une narration assez classique, tout bascule avec la fuite des enfants qui prend des allures de légende, une "fuite en Egypte" dont John, l’aîné, s’appropriera un peu plus tard l’histoire. La rivière devient la mère protectrice, la véritable mère se transformant en une sorte de "Dame du Lac" qui veille sur ses petits.
Le postulat de base est très manichéen, renforcé par les fameux tatouages des phalanges de Robert Mitchum : LOVE - HATE. C’est l’innocence contre le mal, l’enfance contre la noirceur du monde. Mais, derrière la façade, rien n’est aussi tranché. Il faut savoir reconnaître le démon derrière les beaux discours. Car c’est bien de démon qu’il s’agit, de la pire espèce, celui qui se cache derrière le costume du prêcheur, et débite des sermons aussi noirs que son âme. "Mais il ne dort jamais ?" s’interroge John en le voyant une fois de plus sur leurs traces. Le Mal ne dort jamais, précédé par sa mélopée comme une odeur de soufre, M le maudit. Un air qui passe à travers le film, la chanson du démon, qui précède le malheur et qui s’oppose à celle des enfants, le chant de la rivière, la berceuse qui rassure.
Dans le havre qui va les accueillir, les enfants n’auront pas seulement une maison, qui n’est rien face à la violence du Diable, ils trouveront surtout une écoute, une confiance, une base forte pour se construire, car là on sait reconnaître la vérité derrière les apparences et croire en la parole d’un enfant contre celle d’un homme de Dieu.