Cuba libre
Le 12 janvier 2011
Dans son dixième long-métrage Fassbinder livre une réflexion ironique sur son propre travail tout en rendant hommage à celui de son ami Werner Schroeter.
- Réalisateur : Rainer Werner Fassbinder
- Acteurs : Lou Castel, Hanna Schygulla, Ingrid Caven, Ulli Lommel, Rainer Werner Fassbinder, Magdalena Montezuma, Kurt Raab, Harry Baer, Werner Schroeter, Eddie Constantine, Marquard Bohm, Katrin Schaake, Karl Scheydt, Rudolf Waldemar Brem
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Allemand
- Durée : 1h43mn
- Reprise: 18 avril 2018
- Titre original : Warnung vor einer heiligen Nutte
- Date de sortie : 20 mai 2003
- Plus d'informations : http://www.centrepompidou.fr
- Festival : Rétrospective Schroeter à Beaubourg
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– Reprise en version restaurée : 18 avril 2018
– Année de production : 1970
L’argument :Dans un hôtel quelque part au bord de la mer en Espagne, l’équipe d’un film attend le metteur en scène, la star, l’argent et le matériel nécessaire pour commencer le tournage.
Tendue par des intrigues et jalousies amoureuses, l’ambiance oscille entre hystérie et apathie.
Quand le metteur en scène arrive enfin avec la star, il devient aussitôt le centre du chaos.
Werner Schroeter est le jeune photographe aux cheveux longs qui raconte l’histoire de Dingo et du gangster Petit-Willy dans la première scène.
Notre avis : En septembre 1970 Rainer Werner Fassbinder, 25 ans, réunissait à Sorrente, non loin de Capri où Godard avait tourné Le mépris, la plupart des membres de sa troupe munichoise de l’Antitheater, quelques amis et deux stars venues d’ailleurs, Lou Castel (Les poings dans les poches) et Eddie Constantine (Alphaville), pour cette coproduction italo-allemande à budget confortable qui ressemble à un premier bilan en miroir de son travail après quatorze mises en scène de théâtre, deux courts métrages et neuf longs (en un an et demi !).
Warnung vor einer heiligen Nutte décrit la préparation d’un tournage comme un incroyable capharnaüm où tout le monde couche avec tout le monde mais où le sexe n’est qu’un moyen d’imposer à l’autre son pouvoir ou de tromper son ennui. Tous les membres de l’équipe ont l’air désœuvrés, n’attendant que d’être insultés, violentés, exploités, renvoyés sans ménagement par le metteur en scène, grand enfant sadique, capricieux et vampirique, qui semble ne pouvoir créer qu’en détruisant tout autour de lui.
Avec ce personnage, interprété par Lou Castel, Fassbinder fait évidemment son autoportrait et le film fourmille de clés qu’il faut néanmoins manier avec précaution, le cinéaste s’amusant à brouiller les pistes. De nombreux éléments renvoient cependant à l’expérience désastreuse du tournage, à Almeria quelques mois plus tôt, du western Whitty qui mit sérieusement en crise l’aventure de l’Antitheater entamée trois ans plus tôt.
L’hystérie généralisée qui règne pourrait être éprouvante si elle ne gardait un côté théâtralisé et même enjoué (tout le monde commande des Cuba libre à tout bout de champ), et la magnifique photo de Michael Ballhaus contribue à installer l’élégante distance qui donne à l’ensemble une légèreté bienvenue, nullement alourdie par les deux écrasantes citations qui l’encadrent : l’orgueil précède la chute au début et une phrase extraite du Tonio Kröger de Thomas Mann à la fin (Je vous assure que je suis souvent mortellement las de décrire l’humain sans y avoir part moi-même).
Mais le plus surprenant est l’irruption dans cet univers d’un autre cinéma qui obéit à des règles bien différentes, celui de Werner Schroeter. Celui-ci interprète le rôle de Deiters, le photographe de plateau qu’on ne voit jamais un appareil photo à la main mais qui a l’air de beaucoup s’amuser de l’agitation qui l’entoure et à laquelle il ne prend jamais part. C’est lui qui ouvre le film en racontant, dans la seule scène en son direct, l’histoire du gangster Winz-Willy (Petit-Willy) que Goofy (Dingo) prend pour une petite fille, et qui plus tard, introduit une trouée de sublime dans la tragi-comédie grotesque de Warnung vor einer heiligen Nutte, Fassbinder lui ayant demandé de refaire le plan du bateau qui s’éloigne de la côte de Capri dans Eika Katappa. Sauf qu’ici c’est Magdalena Montezuma qui s’en va et que la musique de Donizetti a remplacé Im Abendrot de Richard Strauss.
Schroeter rendra hommage à son ami disparu en 2005 en remontant sur scène, à Bonn, Katzelmacher, la première pièce de Fassbinder, avec les acteurs qui l’avaient créé en avril 1968 (et qu’on retrouve dans le film tourné en août 1969).
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