Notre avis : Tout commence dans un hôpital psychiatrique, où une femme vient de décéder. Pourtant, loin de vouloir mourir avec ses secrets, elle les a retranscrits dans un cahier qui finira entre les mains d’un homme d’église. Ces cahiers, c’est ce que raconte ce roman, la vie de cette jeune femme humiliée et offensée.
Son seul crime ? Être l’aînée d’une famille pauvre, très pauvre, au point d’être vendue par son père comme gouvernante chez des notables de son village. C’est là que commence son calvaire.
Dès les premières pages, le ton est donné, il sera cru, violent, pour nous faire ressentir au plus profond de notre chair ce que Rose a vécu, pour nous introduire dans sa psyché. Franck Bouysse met tout en place dans la narration, afin que le lecteur s’identifie à cette jeune fille. Le style est oral, le vocabulaire familier, tout contribue à ce que l’identification soit totale, que nous ayons l’impression d’être dans sa tête et que les atrocités qu’elle subit, nous les subissions avec elle.
Cependant, si le roman est une succession d’horreurs, il ne verse jamais dans le sensationnalisme, ni dans le gore. Tout s’avère insidieux, savamment dosé pour que le lecteur reste happé par cette lecture, à l’exception des scènes de viols, à la limite du soutenable, mais qui sont néanmoins primordiales à l’intrigue.
De prime abord, le romain se déploie presque comme un conte, avec son intrigue un peu galvaudée, de la jeune et pauvre paysanne, livrée à des puissants qui vont très vite la torturer. Pourtant, si dans les contes, du moins dans leur version modernisée et édulcorée, tout finit bien, ici ce n’est pas le cas. A la manière d’un Zola, Franck Bouysse relate la vie de cette femme victime de son déterminisme social, comme si une issue heureuse lui était impossible, interdite.
Néanmoins, elle finit par trouver, sinon le bonheur, du moins une forme d’apaisement grâce à l’écriture, qui devient thérapeutique, puisque c’est cet apprentissage qui va lui permettre de mettre des mots sur ses maux, et petit à petit d’entamer un travail de résilience.
Bien que cruel et pervers, attaché à décrire la cruauté et la brutalité dont les hommes sont capables, ce roman se lit d’une traite, tant le lecteur est tenu en haleine et espère que Rose connaîtra une fin heureuse.