Trilogie anglaise, acte 2
Le 19 septembre 2012
Portrait sans concession d’un menteur, Billy Liar ausculte avec minutie les failles d’un individu que la société aliène
- Réalisateur : John Schlesinger
- Acteurs : Julie Christie, Tom Courtenay, Mona Washbourne, Ethel Griffies, Wilfred Pickles, Leonard Rossiter, Finlay Currie, Patrick Barr
- Genre : Comédie dramatique, Romance, Noir et blanc
- Distributeur : Tamasa Distribution
- Durée : 1h38mn
- Date télé : 22 novembre 2024 22:43
- Chaîne : Ciné+ Classic
- Reprise: 26 septembre 2012
- Titre original : Billy Liar
- Date de sortie : 14 décembre 1966
- Festival : Festival de Venise 1963
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– Année de production : 1963
Résumé : Dans une ville de province du nord de l’Angleterre, Billy Fisher, qui vit toujours chez ses parents, est un employé de bureau dans une entreprise de pompes funèbres. Pour fuir cette morne existence, il se réfugie dans ses rêves, s’inventant un pays dont il est le héros. Il a de surcroît proposé le mariage à plusieurs filles, se mettant ainsi dans des situations impossibles. Seule Liz le comprend et essaie de le sortir de son monde imaginaire en l’invitant à venir avec elle à Londres.
Critique : Deuxième volet de la trilogie anglaise, Billy Liar ausculte avec la même précision naturaliste qu’Un amour pas comme les autres la tentative d’émancipation contradictoire d’un individu de la middle class. Mais à la différence du premier volet, où le va-et-vient entre Ingrid et Vic suffisait à rendre compte d’une contrariété latente, Billy Liar est centré autour de la figure éponyme de Billy, jeune homme qui se rêve écrivain, et dont l’ambition (certes toute relative) est en quelque sorte « entravée » par une famille envahissante. L’opposition n’est certes pas tranchée entre le microcosme familial et les aspirations solitaires du jeune homme à fuir le conformisme d’une vie morne. Dans ce film empreint de désillusions, Billy aimerait être un génie emprisonné dans le carcan des impératifs sociaux, comme le montre la scène purement fantasmatique au cours de laquelle il rédige un ouvrage à succès sur sa propre captivité. Mais il n’en est rien, et aussitôt que le jeune homme se retrouve seul, c’est pour rédiger l’incipit peu inspiré d’un roman au titre évocateur (Jack le Fainéant). Son élan est alors bridé par sa mégalomanie : au lieu d’écrire, Billy se met à rêver de pseudonymes fantasques et d’une gloire posthume.
Ces déclinaisons identitaires sont révélatrices des multiples facettes du personnage. Le monde de Billy est double : la réalité se mue, chez lui, au moindre obstacle, en une Ambrosie imaginaire dont il incarne le sauveur idolâtré et belliqueux. Un mot déplaisant, et le voilà muni d’une mitraillette pour exécuter sommairement son interlocuteur (son patron, ses parents, la mère d’Arthur : dans tous les cas, des figures d’autorité pragmatiques). Dans A Kind of Love Vic, personnage potentiellement violent, trouvait dans la camaraderie un exutoire et dans la famille un refuge. Dans Billy Liar, c’est dans un monde dangereusement imaginaire que s’évade le protagoniste. La violence des rapports sociaux se traduit alors par la construction d’une fiction totalitaire, où Billy/Hitler est acclamé par la foule.
Comme dans le premier volet, cette violence s’origine dans l’impossibilité de franchir les limites d’un certain espace. Les parents de Billy ont beau le réprimander, ils n’en sont pas moins opposés à son départ pour Londres. Ils veulent percer l’intimité de leur fils, réclament la clé de son armoire, découvrent le secret des calendriers non expédiés. Lorsque Billy quitte le cocon familial, c’est seulement pour errer dans une ville où tout le monde le renvoie à son isolement et sa mythomanie dangereuse. Et lorsqu’il confie à Liz, dans la sérénité apparente d’un jardin d’enfants, qu’il lui arrive d’élaborer de toutes pièces un Ambrosie dont elle est reine, ses camarades, cachés non loin, raillent férocement la disposition infantile du jeune homme à plonger dans la rêverie.
Portrait d’un menteur aguerri et solitaire, mais aussi d’une génération confrontée à la reconstruction du monde qui lui était familier (détruit par la guerre), le film peut alors se voir comme l’analyse au scalpel d’un individu dépossédé de sa propre identité par sa famille et la société dans laquelle il vit. Au point de porter en lui la dangereuse menace d’une dictature.
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