Trilogie anglaise, acte 3
Le 20 septembre 2012
Schlesinger dresse le portrait émouvant d’une femme éprise de liberté, épinglant au passage les travers d’un certain show business
- Réalisateur : John Schlesinger
- Acteurs : Julie Christie, Dirk Bogarde, Laurence Harvey, José Luis de Vilallonga, Roland Curram, Pauline Yates, Alex Scott
- Genre : Drame
- Nationalité : Britannique
- Durée : 2h08mn
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Schlesinger dresse le portrait émouvant d’une femme éprise de liberté, épinglant au passage les travers d’un certain show business
L’argument : Diana Scott est une "enfant gâtée", consciente de sa beauté. Elle a épousé, jeune, un candide jeune homme mais ce mariage est un échec. Elle devient mannequin, lancée par Robert Gold, un reporter de télévision qui a quitté sa famille pour elle. Mais Diana abandonne son amant pour un bel homme d’affaires, puis pour un prince italien. Elle prend peu à peu conscience du monde artificiel dans lequel elle vit.
Notre avis : Au premier abord, Darling semble se démarquer assez nettement de la trilogie anglaise. Certes, on trouve entre ce film et les deux premiers volets bien des résonances thématiques : la peur des engagements, la difficile question du mariage, occupent comme dans A kind of love et Billy Liar une place importante. Le personnage "éponyme" de Diana, interprété par Julie Christie, évoque même à certains égards celui de Liz, qui annonçait à la fin de Billy Liar son départ pour Londres : les métrages semblent ainsi greffés l’un à l’autre par une sorte de continuité narrative. Mais en dépit de ce rapport de parenté, Darling apparaît comme un film singulièrement différent des deux autres, non seulement parce qu’il explore un tout autre milieu social (cette fois, c’est la bonne société et le milieu du show business qui sont dépeints), mais encore parce que le personnage-même de Diana, à certains égards plus complexes que Billy, Vic ou Ingrid, semble relativement affranchie des conventions sociales inhérentes à son milieu.
Electron libre, Diana semble évoluer au gré de ses envies et de ses inclinations. Si elle fait preuve d’une certaine jalousie à l’égard de Robert, elle ne cherche toutefois pas à influencer sa vie familiale. L’épisode douloureux de son avortement montre son indépendance à l’égard des codes de la bonne société britannique : contrairement à Ingrid, dont la fausse couche était provoquée par une chute involontaire, Diana agit de son plein gré, prenant le risque de souffrir. Les quelques jours de convalescence passés auprès de sa soeur ne font que confirmer son indépendance d’esprit. Son beau-frère s’étonne que Diana, pourtant éduquée dans les mêmes circonstances que sa femme, ait pu mener une vie si dépourvue de repères. Contrairement aux autres personnages de la trilogie, Diana "Darling" Scott semble donc nettement en retrait des préoccupations du milieu social dans lequel elle évolue.
Mais cette liberté est apparente. Elle est un luxe que Diana peut s’offrir, en vertu de son appartenance à un milieu aisé. Talentueuse lorsqu’il s’agit de faire illusion en posant pour une marque de cosmétiques, animant un gala de charité ou en incarnant le rôle éponyme de l’assassinée Jacqueline, Diana manifeste un désespoir déchirant dès qu’elle prend conscience du rôle que la bonne société lui a assigné. Ainsi lorsqu’elle accompagne Miles à Paris, où une compagnie de joyeux bohèmes se livre au jeu étrange du cinéma-vérité, qui consiste à imiter l’un des convives. Le travestissement la trouble, elle peine à se retrouver dans cet univers frivole où elle n’est, somme toute, qu’une potiche parmi d’autres. C’est ce qui justifie notamment son désir de s’évader auprès du prince italien. Mais chaque départ apporte son lot de fragilités et de déceptions, et Diana demeure un personnage solitaire, irréductible aux rôles qu’elle s’efforce d’incarner.
C’est donc avec brio que Darling clôt la trilogie anglaise. Non seulement il constitue un épilogue thématique aux deux précédents films, en explorant un milieu social très différent et en montrant que les promesses dont il est porteur sont illusoires, mais il apporte également, via le personnage de Diana - époustouflante Julie Christie, à fleur de peau, justement oscarisée pour le rôle - une certaine nuance à l’approche quelque peu déterministe qui oeuvrait dans les précédents volets. Cette nuance, on l’a vu, est toute relative : si Diana croit échapper au conformisme nauséeux de la haute société anglaise avec tous ses travers (racisme latent, entre autres), c’est avant tout parce que son affranchissement est une image, un rôle qu’elle prend plaisir à jouer. Néanmoins, à travers le choix d’un récit en voix off, et donc d’une certaine distance, Schlesinger met en avant, au-delà des failles sociales et des blessures de coeur, le mystère d’un individu que rien n’est susceptible d’affranchir, et dont la vie est une percée en avant déchirante, un cri d’espoir lancé à la morne inertie des conventions.
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