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Notre avis  : Le considérable travail que représente De la visibilité - Excellence et singularité en régime médiatique prolonge la réflexion menée quelques années auparavant par Nathalie Heinich dans L’élite artiste, qui abordait l’avènement de la figure moderne du créateur, en s’appuyant sur les modalités de sa représentation à travers la production littéraire, mais aussi sur sa progressive légitimation dans la société occidentale du XIXème siècle. En somme, dans cette étude, il s’agissait déjà d’envisager, par une analyse précise, les conditions d’une visibilité qu’explore à nouveau Excellence et singularité en régime médiatique, mais en interrogeant véritablement un concept polysémique, pour le dissocier de la célébrité, tout en considérant que l’avènement des mass-médias, au vingtième siècle, démultiplie les conditions d’accès à une visibilité planétaire. En effet, les innovations technologiques majeures, telles que la photographie ou le cinéma ont engendré la prolifération exponentielle des images, donc la reproduction des iconographies relatives à celles et ceux qu’on appellera bientôt des stars. De sorte qu’on peine à entendre les témoignages des premières vedettes du cinéma, comme Lilian Gish ou Buster Keaton, comme s’il était inconcevable pour nous autres qui savons la célèbre prophétie de Warhol, connaissons aussi le terme de people, que le désir de pratiquer l’art du comédien ait pu, un jour, entrer en conflit avec une volonté de travailler dans une grande discrétion, de ne pas même divulguer qu’on exerce un métier de saltimbanque, surtout à une époque où, comme l’écrivit un jour Georges Duhamel, le cinéma était considéré comme "un divertissement d’ilotes".
Heinich réfléchit à la manière dont les célébrités, qui n’ont pas toutes été légitimées par un champ artistique, accèdent au statut qui est le leur, maintiennent une position à bien des égards complexes où le désir d’être connu combat une certaine nostalgie de l’anonymat, réagissent aussi à cette exposition dans des situations de circulation anodine au sein de l’espace public. La richesse des commentaires, les références multiples au carrefour de la sociologie, de la psychologie sociale, de la philosophie, s’adossent à la rémanence d’un sujet qui fascine le plus grand nombre, mais ne paraît non plus un objet d’étude si digne que nombre d’universitaires tentent de l’envisager, en abandonnant tout a priori. Cette défiance des chercheurs ou des intellectuels, peu enclins à partager les goûts de la multitude ou à reconnaître une forme de valeur intrinsèque au plébiscite unanime et à ses conséquences (notoriété, argent, pouvoir), fait aussi l’objet d’une analyse que Heinich s’efforce de mener selon une neutralité axiologique chère à Max Weber, même si certaines focales privilégiées -on pense en particulier au passage sur la figure du fan- témoignent d’une volonté de réhabilitation, propre aux cultural studies.