Le 17 juillet 2020
Sans jamais verser dans le mélodrame, Christine Pascal évoque une tragédie : la mort annoncée d’une enfant. Un chef-d’œuvre de mise en scène.
- Réalisateur : Christine Pascal
- Acteurs : Richard Berry, Anémone, Lucie Phan, Marie Kleiber
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Italien, Suisse
- Distributeur : AAA Distribution (Acteurs Auteurs Associés), Gebeka Films
- Durée : 1h46min
- Date télé : 1er juillet 2020 20:55
- Chaîne : Arte
- Date de sortie : 25 novembre 1992
- Festival : Prix Louis Delluc 1992
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Résumé : Élevée par sa grand-mère, Violette est une petite fille tonique de dix ans qui voit ses parents divorcés un week-end sur deux. Suite à des maux de tête répétés, elle doit subir des examens médicaux. Les résultats montrent que Violette a une tumeur au cerveau et que ses jours sont désormais comptés.
Critique : Violette est une petite fille. On lui détecte un cancer incurable. Son père, qui la sait condamnée, l’arrache à la médecine et fuit avec elle. Sur le papier, c’est à la fois simple et tragique. Sur écran, c’est bouleversant et aussi inoubliable que peut l’être, relativement au même sujet, L’enfant éternel de Philippe Forest. Et on ne parle même pas de lutte acharnée qui suppose l’hommage, on ne parle même pas d’une leçon de vie ou ce genre d’expressions ineptes. On admire simplement une œuvre délestée de toute intention morale ou édifiante, seulement traversée par une pulsion incontrôlable, chevillée à la vie, avec de terribles moments de désespoir, où les adultes apprennent d’une jeune enfant la manière dont il faudrait apprivoiser la mort à venir, sans que l’idée prenne la forme d’une instruction concrète, évidemment, sans même qu’il y ait une quelconque exemplarité de chaque personnage, qui fait ce qu’il peut avec ce qu’il a. D’autres en feront les frais : les retrouvailles du trio familial disséminé supposent l’exclusion de l’amante, priée d’aller voir ailleurs, parce qu’elle ne comprend pas ce qui se joue et l’émotion des protagonistes. De cette configuration ne s’infère pas un familialisme conservateur. Dans la conjoncture présente, c’est simplement comme ça et pas autrement.
Les décisions prises par les parents de Violette ont la spontanéité des gestes émancipateurs, qui n’ajoutent pas des barreaux à une prison. Une enfant est perdue pour la guérison ? Qu’elle vive ce qu’elle a à vivre, loin de l’acharnement médical. Une jeune femme ne comprend pas la détresse que provoque la mort à si brève échéance ? Qu’elle parte. Le présent se résume aux instants qui ont la grâce éternelle des souvenirs, parce qu’on les sait déjà inoubliables. Tout se dilate dans la consistance même d’un moment qui prend la lumière du soleil. Il s’agit bien de conjurer les couleurs froides : au début de la fuite, elles accompagnaient le désarroi (on pense au bleu pâle de la piscine dans laquelle Violette enchaîne les longueurs, houspillée par Adam, on pense aux tons de leurs premiers vêtements...).
Les travellings se ralentissent tandis que le voyage se prolonge, bientôt à pied. Ils saisissent l’ascension symbolique d’une montagne, et, lorsque père et fille sont parvenus au sommet, dévoilent les monts italiens comme un au-delà, en privilégiant le sfumato. C’est dans ce lieu, investi de sentiments panthéistes, que la petite transfigure l’imminence de sa propre mort en expérience mystique. Plus tard, la vie de Violette se consume lentement dans le feu de quelques bougies déjà funéraires. Quand vient le soir où elle se couche pour la dernière fois, son père serre contre lui un oreiller dérisoire.
On n’a jamais oublié Christine Pascal, ses personnages au cinéma, son passage à la réalisation, son film sorti en 1992, qui était le quatrième et trouvait une note si juste, avec des comédiens exceptionnels (Richard Berry, d’une sobriété impressionnante, Anémone dans son meilleur rôle, la petite Marie Kleiber qui crève l’écran et qu’on n’a jamais revue au cinéma). On sait que la jeune femme suggérait une lecture plus générationnelle de son long métrage, symboliquement reliée à l’épidémie du SIDA, parlant de tous ces gens qu’elle avait vus disparaître si rapidement. La mort d’une enfant ne serait que la forme la plus immédiatement poignante du deuil, parce que la jeunesse lui ajoute l’absurdité de l’injustice. Mais à l’émotion que suscite la disparition annoncée d’un être cher, le film applique en fait une situation-cadre qui touche par sa dimension universelle.
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