Le 10 décembre 2019
A Christine Pascal, qui manque tant au cinéma français, sa sœur rend un très bel hommage. L’occasion pour une nouvelle génération de découvrir une actrice et une réalisatrice singulières.
- Réalisateur : Christine Pascal
- Auteur : Michèle Pascal
- Editeur : LettMotif
- Genre : Biographie, Autobiographie
- Nationalité : Française
- Date de sortie : 13 septembre 2019
- Plus d'informations : Le site de l’éditeur
Résumé : "Écris, sois généreuse, donne, donne aux autres ton histoire ou ta version de l’histoire, arrête de te couper les ailes au bas de chaque page". Une nuit d’insomnie, l’actrice et réalisatrice Christine Pascal écrit une lettre à sa sœur. Fidèle à cette injonction, cette dernière a rédigé un texte poignant, portrait croisé de deux êtres aux trajectoires différentes, qui ne se sont pourtant jamais perdues de vue. A travers ce récit, Michèle Pascale rend un vibrant hommage à une femme libre, créative, dont la vie s’acheva brutalement le 30 août 1996.
Copyright Editions Letmotiff, 2019
Notre avis : Le beau livre douloureux écrit par Michèle Pascal ravive le souvenir de sa sœur Christine, qui manque tant au cinéma français : ni son talent d’interprète, ni le sillon que sa carrière de réalisatrice a tracé, ne sont omis dans ces superbes pages qui répondent à une demande : en effet, depuis longtemps, l’artiste avait exhorté sa sœur à écrire. Le livre, construit comme une réponse, est à la fois l’autobiographie de son auteure, très tôt devenue mère, astreinte à une vie conjugale, et en même temps la biographie d’une comédienne émancipée, qui décide de quitter sa cité rhodanienne natale avec sa 2CV, pour monter sur Paris, dans ces années 70 où une génération d’actrices dont elle était proche (Adjani et Huppert, en particulier) émergeait, en même temps qu’un nouveau cinéma français. Mais Christine Pascal fut toujours en marge, fidèle à ses expériences individuelles, dont ses films portent l’empreinte, du radical Félicité, en 1979 jusqu’au dernier long métrage, Adultère mode d’emploi, sorti en 1995.
Si le récit de Michèle Pascal privilégie une approche chronologique, c’est parce qu’il tente, entre autres, de comprendre le geste ultime de la metteuse en scène, qui se suicide fin août 1996, alors qu’elle est hospitalisée depuis plusieurs jours à Garches. Les raisons de cette issue tragique semblent disséminées à travers une série de vicissitudes, dont on peut extraire quelque périodes plus saillantes : une adolescence douloureusement vécue, malgré un foyer familial plein d’affection, ou les affres d’une notoriété, dans une configuration à la fois tragique et banale, avec l’alcool et la drogue comme ombres tutélaires, et pour décor ces années 80 où s’abîmèrent tant de talents (on pense à Dominique Laffin, à Pascal Ogier, si proches de Christine Pascal dans leur indépendance et leur volonté farouche).
Mémoires croisées de deux soeurs constitue le récit d’une lente chute : phases de dépression et périodes créatrices tissent le mince fil sur lequel chemine une équilibriste, si prompte à rechercher l’inconfort. Sans calcul, ni plan de carrière, très encline à briser le consensus, la réalisatrice vivra plutôt mal le succès de son film Le petit prince a dit, une merveille de douceur tragique, où le refuge dans un écrin de montagnes majestueuses offre son lot de scènes poignantes, avant que la famille brisée par la maladie d’une petite fille ne se recompose, pour vivre l’imminence de la mort. D’autres auraient capitalisé sur une telle reconnaissance publique et critique (le long métrage obtint le Prix Louis-Delluc, en 1992). Christine Pascal poursuivit à rebours de ce succès, en tournant un dernier long métrage audacieux, qui dérouta indéniablement. C’est ce qu’elle cherchait et l’on regrette tellement, sans doute en spectateurs égoïstes, tous ces films qu’elle aurait pu nous offrir, tous ces risques qu’elle aurait certainement pris, conformément à son indépendance artistique. Les dernières pages de la première partie du livre dévoilent quelques extraits du journal de Christine Pascal, confié par le producteur suisse Robert Boner, le grand amour de la réalisatrice. Lentement, la nuit advient sur les mots, qui serrent le cœur. Michèle Pascal ajoute les siens, très justes, pour rejoindre sa sœur dans une sorte de dialogue feutré.
Sur des écrans imaginaires, on projettera les deux scénarios qui ne se sont pas concrétisés et que la deuxième partie de l’ouvrage reproduit in extenso : on repère, dans le substrat autobiographique de La dernière à y croire, la relation que l’artiste entretint avec son mari, les dialogues souvent affolés par l’excès s’incarnant dans des situations intenses. Quant au sujet de Working Class Hero, il ne dément pas son titre, qui évoque, à travers le projet d’une coopérative, dans une île imaginaire, "des héros en quête d’une vie nouvelle, autonome et libre", pour reprendre les termes de Robert Boner. Ces deux œuvres, empreintes d’une réelle densité narrative, portées par une indéniable qualité d’écriture, mériteraient un prolongement filmique.
Michèle Pascal - Mémoires croisées de deux sœurs
Préface de Bertrand Tavernier
Editions Lettmotif
21 x 3,4 x 13,2 cm
380 pages
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Michèle Pascal 15 décembre 2019
Mémoires croisées de deux sœurs - la critique du livre
Je vous remercie pour cette critique, elle me fait d’autant plus plaisir que plusieurs proches (notamment ma famille) ont mal compris le concept de cet ouvrage.
Je n’avais pas envie d’écrire un panégyrique absolu, car j’étais accablée de plusieurs culpabilités au sujet de ma soeur, et par une certaine ambivalence et tellement de décalage dans nos vies. Je crois que cela se ressent dans mes lignes.
On m’a dit "tu parles trop de toi" - la preuve que non : je n’avais pas de vie conjugale du tout, à la fois par hasard et par choix (cela peut sembler contradictoire !)
C’est juste : "Christine vue par sa trop grande soeur"...
Merci aussi à l’éditeur qui m’a fait confiance, même si l’accouchement(les délais) s’est fait dans la douleur de l’attente !