C’est "Une histoire de bras qui ne se referment pas sur les enfants qu’on met au monde, alors les enfants tombent.
Dans la mer."

Les enfants dont parle Florence Delaporte sont ceux d’une bourgeoisie sur le déclin, élevés par des nourrices dans de vastes demeures normandes qui surplombent les falaises. Eduqués pour être beaux et propres, jeunes, bronzés et sportifs, pour faire honneur à des familles indifférentes qui les regardent comme des meubles. Des enfants qui, devenus grands, se jettent dans les bras les uns des autres pour combler un manque ou perpétuer une sorte de malédiction. Des amours incestueuses que leurs respectables familles s’empresseront de briser, tacitement, par des mariages forcés ou par le seul poids des traditions.

Ces vies gâchées sont celles de la famille de Marie, romancière qui retourne sur les lieux de son enfance pour exhumer les souvenirs, pour découvrir en quoi sa propre histoire s’inscrit dans celle des autres et inlassablement, se répète.
Cette recherche se fera à travers un dialogue imaginaire avec un enfant adultérin dont elle découvre la tombe secrète au bord d’une falaise. Fils de deux cousins germains unis par un amour impossible, cet enfant mort qui stigmatise les souffrances de toute une famille est celui qui va aider Marie à comprendre et à faire le deuil de son propre passé.

La quête de la narratrice est indissociable de cette terre dont elle est issue, même si elle s’y est toujours sentie étrangère. L’écriture de Florence Delaporte, fluide et douloureuse, donne vie à ce lieu nourri des souffrances et des deuils, des amours adolescentes, d’un passé aussi lumineux que déchirant. Des corps mêmes de ceux qui sont enterrés là, éternels enfants qui nourrissent les falaises, et, sans bruit, tombent dans la mer.

Les mots effleurent, disent à demi, avec une simplicité et une sincérité rares. On se laisse immerger dans cette atmosphère à la fois déchirante et douce où les gestes s’ébauchent dans l’ombre des cabines de plage, dans une tendresse brutale. Ce roman est de ceux que l’on n’a pas envie de voir finir, tant il fait partager les sensations, les impresssions. On en sort nostalgique, ailleurs, dans un entre-deux indicible, simplement ému.