Le script

Toujours aussi original et décalé, Rick Moody livre une satire atypique sur le milieu de la télé et de l’image. Un roman dense et drolatique qui navigue tantôt en eau calme, tantôt sur des flots déchaînés.

La production littéraire de Rick Moody n’en finit pas de surprendre. Voilà bel et bien un écrivain pour qui l’histoire relève de l’anecdote et qui considère que le plaisir du lecteur se situe à un autre niveau. Après la quête très mystique de la Recherche du voile noir, Moody aiguise ses lames pour trancher le cou au monde des médias, des acteurs et de la télé dans Le script. Toujours aussi ambitieux, Moody livre un roman épais et dense dont l’héroïne principale, Vanessa Meandro, dirige une boîte de production à New York.
Il se trouve que Vanessa a entendu parler d’un script censé lui apporter gloire et fortune, celui des "Sourciers". Elle va donc mobiliser tous les membres de son équipe pour retrouver ce script qu’elle est persuadée avoir eu, un jour, entre les mains. Tyrannique, mal dans sa peau, autoritaire, désespérée, obèse, boulimique, Vanessa Meandro s’accroche à sa position sociale pour offrir une légère clarté à son existence assombrie par une mère alcoolique. A travers des portraits extrêmement réussis et sans concession, Moody parle d’une Amérique arrogante s’apprêtant à élire Georges Bush (le passage sur le deuxième décompte des cartes perforées est à se tordre de rire), d’une société multiraciale en panne, d’un pays névrosé et obsédé par le néant de la notoriété.
Moody ne surprendra pas (ou peu) les lecteurs habitués à sa prose novatrice et à son sens de la dérision. Il s’amuse au fil des pages à construire une galerie de pantins dévoués au dieu dollar et à la sacro-sainte apparence. Plus que jamais, son style sonde les entrailles du monde comme une caméra, n’omettant rien, s’attardant sur chaque aspérité, grossissant les défauts et le ridicule d’un univers surfait et sans réelle valeur. Pour ceux qui ne connaîtraient pas encore cet écrivain hors normes, il n’y a qu’à lire le chapitre d’ouverture, décrivant le lever du soleil tout autour de la terre. Ces quelques pages résument à elles seules tout le talent et la saveur de Rick Moody.