Le 2 juillet 2003
Bienvenue dans le monde désopilant de la restauration rapide.
Une entrée en littérature est toujours un événement. Ce petit grain de café nous offre en plus un des textes les plus drôles de ces derniers mois.
Trouver du boulot à Londres quand on débarque de France, c’est une vraie gageure. Et ça, Guillaume s’en est rendu compte. Evidemment, il y a bien le McDo. Mais le top du top de la restauration rapide, c’est quand même Fresh. Alors Guillaume n’hésite pas une seconde, il se présente au centre de recrutement et après deux entretiens et un essai, il est embauché. Voilà comment on entre dans la grande famille de Fresh qui est, bien entendu, une boîte sympa, conviviale et quasi familiale. Le bonheur, en somme. Les employés zélés et ambitieux peuvent même devenir millionnaires. Il faut toutefois garder l’esprit Fresh, et le goût du travail vite et bien fait. Et ça, c’est ce qui paraît assez difficile. Mais Guillaume y croit, il convoite le petit grain de café argenté, l’insigne que le "barista", le responsable de la machine à café, épingle à sa casquette. Mais pour être un barista, il faut faire ses preuves...
Mais qui est donc Guillaume Tavard ? Il est sans doute le genre de type à se dire un matin : je pars en Angleterre parfaire mon anglais. C’est courageux. Et heureux, puisque quelques années plus tard il commet un hilarant récit. Guillaume Tavard ne se contente pas de raconter son histoire. Sous un talentueux faux air de je-m’en-foutisme, dans un style simple et dénudé, c’est le portrait éclectique de toute une jeunesse européenne qu’il dépeint. Criant de vérité, chaque personnage devient personne, résistant ainsi à la facilité de la caricature.
Et puis, surtout, le monde, les gens, Fresh, passent à travers le regard idéaliste et faussement naïf de Guillaume, jeune homme nonchalant, vaguement désabusé. La véritable réussite est là, dans la personnalité d’antihéros de Guillaume, un narrateur un brin loser, à peine ambitieux.
En toile de fond, avec justesse et désinvolture, l’auteur évoque les systèmes employés par la restauration rapide. Bourrage de crâne, carottes à promotion, journées de motivation, soirées orgiaques pour oublier qu’on veut démissionner. L’exploitation en chantant. Sans être revendicatif, évitant le misérabilisme, le style est incisif et lucide. Les nombreux dialogues qui dynamisent le récit sont la preuve d’une écriture maîtrisée et fluide. L’œil, à peine contempteur, qu’il pose sur ses contemporains dérouille nos zygomatiques.
En refermant le livre, on a l’impression d’en avoir appris un peu plus sur ce jeune auteur. On sait désormais que Guillaume Tavard a de l’humour (son récit en regorge), qu’il a du recul sur sa vie (l’histoire en témoigne), et, enfin, qu’il a du talent (son premier roman est une véritable réussite).
Guillaume Tavard, Le petit grain de café argenté, Le Dilettante, 2003, 252 pages, 16 €
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