Ca plane pour moi
Le 12 mars 2020
Stewart O’Nan fait planer les fantômes d’adolescents disparus dans un texte déroutant sur la douleur et l’injustice du deuil. Sa manière à lui de célébrer Halloween, jour anniversaire maudit dans une petite bourgade du Connecticut.
- Auteur : Stewart O’Nan
- Editeur : Editions de l’Olivier
- Genre : Roman
- Nationalité : Américaine
- Traducteur : Nicolas Richard
- Titre original : The night country
- Date de sortie : 5 octobre 2006
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Résumé : La nuit d’Halloween, dans une petite bourgade du Connecticut. Cinq adolescents foncent en voiture sur des routes sombres, perdent le contrôle du véhicule qui se fracasse contre un arbre. Un an plus tard, Tim et Kyle, les deux seuls survivants, ne sont plus les mêmes. Kyle n’a jamais récupéré ses facultés motrices et mentales, et Tim ne parvient pas à faire le deuil de ses amis. Obsédé par leur souvenir, il est bien décidé, en cette date anniversaire, à rejoindre ceux avec qui il était lié à la vie à la mort. Chez Stewart O’Nan, le pays des ténèbres n’est pas celui des morts, mais celui des rescapés rongés par la culpabilité. C’est l’Amérique des fast-foods et des supermarchés, celle qui joue à se faire peur en échange de bonbons, celle qui masque ses fêlures. Hommage aux grands maîtres du fantastique et de l’épouvante (de Ray Bradbury à Stephen King en passant par la trilogie culte des "Morts vivants" de George Romero), Le Pays des ténèbres mêle pop culture, surnaturel et intimisme. Tour à tour facétieux et sensible, Steward O’Nan confirme qu’il est l’un des meilleurs chroniqueurs de l’Amérique d’aujourd’hui.
Critique : L’œuvre romanesque de Stewart O’Nan prend corps à travers l’absence et la mort. C’était le cas pour Nos plus beaux souvenirs, récit axé autour de la figure d’un père de famille disparu, c’est encore le cas avec Le pays des ténèbres, texte célébrant "l’anniversaire" d’un accident de voiture qui s’est déroulé le jour d’Halloween. Il étaient cinq adolescents à bord de cette voiture. Trois sont morts, deux s’en sont miraculeusement sortis, non sans traumatisme. Kyle est resté handicapé moteur et Tim, sans séquelle visible, est rongé par la culpabilité d’avoir été épargné par un sort plus funeste.
L’Amérique de Stewart O’Nan est celle des petites bourgades tranquilles du Connecticut, aux familles sans histoire réglant leur existence au rythme de leurs sorties au MacDo, au Starbucks ou au Dunkin Donuts. Evidemment, au cœur de cette Amérique prospère et tranquille, le décès de ces adolescents ne passe pas inaperçu. A travers la voix de plusieurs personnages marqués par le pire, O’Nan nous fait revivre la tragédie de l’intérieur. Son coup de force tient dans son talent à mettre en scène les fantômes des trois victimes, Toe, Marco et Danielle, qui observent ironiquement, durant ces vingt-quatre heures, ce que sont devenus leurs potes.
Le portrait le plus touchant est sans aucun doute celui de la mère de Kyle, dépassée par cet adolescent dont l’âge mental est redevenu celui d’un enfant, mais qui ne baisse jamais les bras et s’échine à le rééduquer au fil des jours. Celui de Brooks également, le policier ayant découvert la voiture et les corps, dont l’existence est devenue un enfer depuis l’accident. O’Nan parvient à infiltrer son lecteur dans ces consciences plus ou moins propres, au sein de ces vies bouleversées et de ces existences détruites. Hantés par leurs morts, les personnages d’O’Nan s’enlisent dans le bonheur d’un passé définitivement envolé et deviennent à leur tour fantômes de leur quotidien. Roman du regret et de la culpabilité, Le pays des ténèbres met en valeur les artifices d’une société d’opulence pour mieux en dénoncer les malaises intérieurs. Le microcospe du romancier est parfaitement réglé.
Stewart O’Nan, Le pays des ténèbres (The night country, traduit de l’anglais par Nicolas Richard), éd. de l’Olivier, 2006, 329 pages, 20 €
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