Winter Road - La chronique BD

Derek Ouelette est une star déchue du hockey professionnel. Partageant sa vie entre alcool, bagarres et cellule de dégrisement, il traîne sa dépression dans la petite ville isolée de Pimitamon, dans l’Ontario, au nord du Canada, une bourgade où tout le monde ne connait que trop bien ses accès de colère dévastatrice, qui lui ont coûté sa carrière et l’ont condamné à une existence minable faite de beuveries sans espoir.

Mais un beau jour, sa sœur, Beth, disparue depuis des années, refait surface. Elle aussi, c’est une épave : ancienne SDF, c’est désormais une junkie, battue par un petit ami qui la poursuit jusqu’à Pimitamon.

Derek doit la prendre en charge, en commençant par la désintoxiquer, de gré ou de force. C’est l’occasion pour lui de se remettre en question et de se sevrer de ses démons, à commencer par l’alcool.

Jeff Lemire, observateur sans concessions de ses semblables, nous livre un récit poignant, aussi rude que le territoire qu’il dépeint, peuplé de l’équivalent canadien des "rednecks" américains. Et ils ne brillent forcément pas non plus par leur finesse.

Il est question ici de rédemption, de déchéance, de rapport au père, de racisme, de hockey..... et pas forcément dans cet ordre. Le dessin, en noir et blanc, semble jeté sur le papier, brut de décoffrage. Les traits des personnages sont taillés à la hache, parfaitement en adéquation avec le ton de l’histoire. Seuls les flashbacks, assez nombreux, sont traités en couleurs, contrairement à ce qui se fait habituellement, comme si l’auteur cherchait à nous faire comprendre que ces souvenirs sont bien plus riches qu’un présent, un quotidien triste, morose, sans espoir.

Bref. On n’est pas sur de la bande dessinée comique, vous l’aurez compris. Plus sur un récit introspectif, lucide et profond sur le destin de ces populations "oubliées", semblant vivre, voire parfois survivre, dans ces contrées hors du temps. A l’instar des protagonistes, vous n’en sortirez pas indemnes.