Avec le temps...
Le 23 mars 2020
Stewart O’Nan manipule les mots, le passé et les consciences avec une grâce époustouflante, et signe un texte profondément universel.
- Auteur : Stewart O’Nan
- Editeur : Editions de l’Olivier
- Genre : Roman & fiction
- Nationalité : Américaine
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Résumé : Henry, le chef de clan Maxwell, vient de mourir. Sa femme, Emily, convoque enfants et petits-enfants pour un dernier été dans leur cottage au bord du lac Chautauqua. Face aux bibelots d’autrefois, les souvenirs remontent à la surface : le paradis perdu, l’enfance radieuse, le temps heureux d’un mariage, les parties de cartes, les éclats de rire, les déceptions et les non-dits.
Critique : Avec ce livre, Stewart O’Nan s’impose parmi les très grands de la littérature américaine. Avec Nos plus beaux souvenirs, il manipule les mots, le passé et les consciences avec une grâce époustouflante, et signe un texte profondément universel.
Certains écrivains possèdent la grâce absolue. C’est assurément le cas de Stewart O’Nan qui, avec ce roman, se fait virtuose de la langue et des sentiments. C’est la classe moyenne américaine qu’il passe au crible à travers un texte dense et d’une richesse prodigieuse, travaillant ses personnages comme un sculpteur travaille un bloc de marbre, patiemment, lentement, ciselant chaque caractère avec une précision chirurgicale. L’idée ressemble à un pari insensé. Ressusciter l’histoire d’une famille à travers le prisme du souvenir et l’attachement aux objets en l’espace d’une semaine. Ce roman, merveilleusement traduit par Jean-François Ménard, se découpe en sept gros chapitres, correspondant tous au récit d’une journée.
Au centre, il y a Emily. Elle a perdu Henry, son mari, mort quelques mois plus tôt d’un cancer. Elle décide alors de vendre leur maison de vacances et invite ses enfants, ses petits-enfants, et la sœur d’Henry, durant une semaine. Cette maison appartient à la famille d’Henry depuis de nombreuses générations. Meg et Ken, les enfants, y ont passé de nombreux étés. L’un et l’autre retrouvent la complicité de leurs jeunes années sous l’œil inquiet de Lisa, la femme de Ken. Meg est en plein divorce et sort d’une cure de désintoxication alcoolique. Ken occupe un emploi minable dans un labo photo. Des destins que leur mère aurait voulu beaucoup plus glorieux. Et puis, il y a aussi la manière dont ils ont élevé leurs enfants qui ne convient pas toujours à Emily. Les garçons restent scotchés sur leur Game Boy et les filles paressent à longueur de journée.
Emily leur demande de choisir les objets qu’ils veulent emporter avec eux, l’occasion pour chacun de faire le bilan de son existence. Pour Ken, c’est le vieux sac de golf de son père ou une bouteille de plastique découpée pour y ranger des vis qui ravivent toute sa tendresse. Pour Meg, c’est une série de verres sur lesquels sont gravées des voitures de collection qui la replonge dans la douceur de son enfance. Jour après jour, chaque personnage va prendre corps autour des objets de cette demeure humide, révélant ses traumatismes, analysant les années passées comme des sommes de petits bonheurs. Les fêlures du passé ressurgissent, les rancœurs enfouies remontent à la surface, les mots jamais prononcés sortent.
Huis clos familial mené avec un talent considérable, ce récit parle des conflits de génération, du temps assassin et destructeur, des harmonies illusoires. Stewart O’Nan flirte avec cette littérature universelle qui extrait le bon comme le moins bon de ses contemporains. A l’image d’un jardin, dans lequel les fleurs poussent près des mauvaises herbes.
Stewart O’Nan, Nos plus beaux souvenirs (Wish you were here, traduit de l’américain par Jean-François Ménard), Editions de l’Olivier, 2005, 692 pages, 23 €
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