Le 30 octobre 2022
La démarche de Patricio Guzmán est sincère et louable et son talent de documentariste indéniable, malgré un propos manquant d’analyse politique.
- Réalisateur : Patricio Guzmán
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Français, Chilien
- Distributeur : Pyramide Distribution
- Durée : 1h23mn
- Titre original : Mi país imaginario
- Date de sortie : 26 octobre 2022
- Festival : Festival de Cannes 2022, Amnesty Film Festival 2022
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– Sélection officielle Cannes 2022 : séance spéciale
Résumé : « Octobre 2019, une révolution inattendue, une explosion sociale. Un million et demi de personnes ont manifesté dans les rues de Santiago pour plus de démocratie, une vie plus digne, une meilleure éducation, un meilleur système de santé et une nouvelle Constitution. Le Chili avait retrouvé sa mémoire. L’événement que j’attendais depuis mes luttes étudiantes de 1973 se concrétisait enfin. » Patricio Guzmán
Critique : Présentés dans de nombreux festivals, les documentaires de Patricio Guzmán sont reconnus sur le plan international. Son film le plus célèbre est sa première œuvre, La bataille du Chili (1972-79), trilogie de cinq heures sur le gouvernement de Salvador Allende et sa chute. Arrêté après le coup d’État de Pinochet, le réalisateur avait pu quitter le Chili en 1973. Exilé à Paris, il est toujours resté attaché à son pays natal. Mon pays imaginaire a été présenté en séance spéciale au Festival de Cannes 2022 : l’auteur de Nostalgie de la lumière se penche sur le vaste mouvement populaire de 2019 ayant revendiqué la mise en en place de politiques sociales et davantage de libertés publiques (notamment pour les femmes et les Mapuches), et abouti à une volonté, de la part du peuple chilien, de réécrire une Constitution datant de la dictature, et toujours en vigueur. [1] Concernant les conditions de tournage, le cinéaste précise dans le dossier de presse : « Nous n’étions pas sur place au début, et la Covid nous a vite empêchés de voyager. Mais beaucoup d’amis chiliens tournaient et nous envoyaient le fruit de leurs travaux (…) Un an plus tard, lorsque la pandémie s’est enfin calmée, j’ai pu, avec mon équipe, me rendre à Santiago et nous avons filmé à notre tour, en deux temps, en suivant les événements. Ce processus est très courant dans le cinéma documentaire : s’ouvrir à une réalité, la filmer, et en être partie prenante à la fois. Le premier tournage a duré huit semaines et le second trois. Nous avons pu choisir des personnages, des situations, des lieux, comme s’il s’agissait d’un film de fiction ».
- © 2022 Atacama Productions. Tous droits réservés.
Le début du film (la révolte d’usagers refusant l’augmentation du prix du ticket de métro) n’est donc pas filmé par Guzmán son équipe, et révèle un style télévisuel anodin, malgré la force des images. On reconnaît ensuite la patte du documentariste dans ces plans impressionnants sur l’affrontement avec les forces de l’ordre (dont la formation et l’esprit n’auraient pas, nous dit-on, changé depuis l’ère Pinochet) ; ou ces images d’une capitale déserte entre deux manifestations, et dans laquelle le réalisateur semble aussi effectuer un pèlerinage personnel, voix off à l’appui. Le film constitue en outre un document passionnant sur un pays en réflexion constante qui continue à se construire et se chercher, ce que le titre du métrage tente de résumer.
- © 2022 Atacama Productions. Tous droits réservés.
Si sincère et louable qu’apparaît la démarche du documentariste, on pourra être agacé par la langue de bois et le manichéisme de certains intervenants (y compris universitaires), qui semblent ne pas établir de réelles différences entre la dictature sanguinaire que fut le Chili de Pinochet et un gouvernement de droite issu des urnes. Et si Gabriel Boric a pu être élu président en 2021 (en tant que candidat de coalition de gauche et de gauche radicale), face à un candidat d’extrême droite, n’est-ce pas dans le contexte d’un État de droit progressivement mis en place depuis le référendum de 1988 ayant désavoué Pinochet ? [2] C’est le problème du film, semblant désavouer la classe politique et les corps intermédiaires (aucun syndicaliste ou membre d’association n’est interviewé), et glorifier des groupements informels scandant des slogans convenus. Sans aller jusqu’à verser dans le populisme, le métrage manque tout de même de profondeur dans l’analyse politique. En dépit de cette réserve, Mon pays imaginaire est un documentaire intéressant, grâce à son thème et sa construction formelle en cohérence avec le cinéma de Guzmán.
[1] Le 5 septembre 2022, la nouvelle Constitution a été rejetée par référendum avec 62 % des voix.
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