Le 9 mars 2016
Un documentaire particulièrement beau, mais qui est aussi une réflexion puissante sur l’homme et le cosmos.


- Réalisateur : Patricio Guzmán
- Genre : Documentaire
- Nationalité : Espagnol, Français, Chilien
- Editeur vidéo : Pyramide Vidéo
- Durée : 1h22mn
- Titre original : El boton de nacar
- Date de sortie : 28 octobre 2015

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– Sortie DVD : le 1 mars 2016
– Ours d’argent à Berlin 2015
Un documentaire particulièrement beau, mais qui est aussi une réflexion puissante sur l’homme et le cosmos.
L’argument : Le bouton de nacre est une histoire sur l’eau, le Cosmos et nous. Elle part de deux mystérieux boutons découverts au fond de l’Océan Pacifique, près des côtes chiliennes aux paysages surnaturels de volcans, de montagnes et de glaciers. A travers leur histoire, nous entendons la parole des indigènes de Patagonie, celle des premiers navigateurs anglais et celle des prisonniers politiques. Certains disent que l’eau a une mémoire. Ce film montre qu’elle a aussi une voix.
Notre avis : Partant d’un bloc de quartz, ce documentaire fascinant se divise en trois parties qui entretiennent de subtiles correspondances ; la première est une méditation hypnotique : entre glaciers et fjords, elle présente une image idyllique de la Patagonie. Le réalisateur chilien promène une caméra contemplative et livre des commentaires parcimonieux, établissant des liens entre l’eau et le cosmos, explorant les bruits de la nature. On reste fasciné devant ces plans magnifiques parfois proches de l’abstraction ou ces lents travellings sur les côtes. C’est que l’idée générale d’une union panthéiste donne lieu à de belles idées cinématographiques : une goutte d’eau vue de près s’associe à une comète, la Terre à une pierre polie. Cette dernière transition fait basculer le film dans une deuxième partie singulièrement émouvante qui évoque l’extermination des Indiens de Patagonie. Depuis la colonisation de 1883, ce peuple qui vivait en accord avec l’eau a été victime de contaminations et d’une indigne chasse au fusil. Mais la révolte du réalisateur est murmure, parole donnée aux survivants plus qu’un étalage de bons sentiments ou un cri. On est bouleversé par ces images d’archives, ces photos de peintures sur corps, mais aussi par le rythme lent et quasi musical de cette quête de vérité. La troisième partie dévoile l’autre massacre chilien, celui de la dictature de Pinochet. Là encore des images d’archives et des témoignages s’entremêlent, sans que le thème majeur, celui de l’eau, disparaisse ; Guzman va jusqu’à reconstituer, et c’est peut-être la limite de ce documentaire, les derniers instants d’un prisonnier jeté à la mer.
Copyright Valdivia Film
C’est dans la deuxième partie qu’apparaît le sens du titre, belle idée de scénario : contre un bouton de nacre, un Indien a accepté d’être emmené en Angleterre ; le cinéaste y voit le moment où cette civilisation avancée et harmonieuse a basculé vers son extermination. Ce bouton trouve un écho terrible plus tard, quand on remonte un rail de la mer, rail qui servait à couler les corps jetés : un bouton y est resté gravé, seule trace humaine. C’est la force du film de faire des liens à partir de détails et de leur conférer une puissance émotionnelle remarquable. De l’infiniment petit au cosmos, tout se répond et fait sens. « Tout est eau », comme le dit un intervenant. La beauté des paysages s’oppose fortement à la noirceur humaine en une série de contrastes féroces qui ne laissent pas de susciter interrogations et réflexions. Remué, ébahi, on regarde le générique de fin en regrettant la brièveté du film ; mais Le Bouton de nacre laisse des traces indélébiles et reste en tête longtemps après sa vision.
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Les suppléments :
Pour accompagner le film, le DVD propose quatre rencontres instructives et bouleversantes : quatre témoins forts, le juge qui a poursuivi Pinochet (8 minutes), un architecte prisonnier de l’île de Dawson (10 minutes), un archéologue fin connaisseur des Indiens de Patagonie (9 minutes) et un paysan fusillé et jeté dans une rivière (8 minutes), apportent un regard complémentaire et indispensable.
L’image :
Hors images d’archives, la copie proposée rend justice à la beauté du film : précision, colorimétrie, contrastes, on est dans ce que le DVD peut faire de mieux.
Le son :
Deux pistes (2.0 et 5.1) dévoilent les moindres nuances d’un commentaire d’une remarquable sobriété et mettent en valeur le travail sur les bruitages, en particulier, les différentes « musiques » de l’eau.