Rouge profond
Le 18 août 2005
Un parcours dans une aventure humaine et politique unique et le portrait émouvant d’une légende.
- Réalisateur : Patricio Guzmán
- Genre : Documentaire, Politique
- Nationalité : Chilien
- Editeur vidéo : Éditions Montparnasse
– Durée : 1h40mn
Un parcours dans une aventure humaine et politique unique et le portrait émouvant d’une légende.
Une image émouvante ouvre le film de Patricio Guzman : celle d’une main anonyme qui manipule devant la caméra les trois ou quatre objets banals et intimes, presque anonymes eux aussi, qui sont tout ce qui reste d’un homme après sa fin brutale. Un homme sans corps, sans visage, presque sans histoire à considérer le portefeuille ou le bracelet-montre qui lui ont survécu. Image émouvante pour une évocation à la fois personnelle et mythique d’une figure incontournable de l’histoire politique du XXe siècle.
Car tous les anciens écoliers qui sont passés par les cours d’espagnol vous le diront : Salvador Allende, c’est le grand héros de cette geste américaine qui s’est déployée de La Havane à Santiago entre 1950 et 1973. Avec le Che, Castro (dont la légende résiste mal à l’usure des années), avec des histoires de baie des Cochons et de folles hurlantes sur les places au mois de mai, Allende fait partie de ce panthéon d’une mémoire révolutionnaire et dictatoriale. Il est l’icône d’une époque. Sa figure est irrémédiablement liée à de longs poèmes qu’il fallait "commenter" en classe, mais sans forcément connaître toute l’histoire. Voilà qui est réparé : Patricio Guzman dans un film au long cours, semé de flashback en archives et d’interviews d’acteurs ou témoins aujourd’hui vieillis, retrace la "véritable histoire" de Salvador Allende, socialiste de la première heure dans les années 30, pionnier d’une méthode démocratique pour conduire le marxisme à organiser une société moderne.
Si l’on peut s’agacer parfois d’un ton mélodramatique et d’un discours trop hagiographique, qui font d’Allende un personnage messianique et la victime d’une "passion" collective, le film de Patricio Guzman a l’avantage de ne prétendre à aucune pédagogie. Il ne s’agit pas de redire l’histoire, mais de laisser parler des femmes et des hommes qui étaient là pendant ces journées (un survivant de La Moneda le 11 septembre 1973, un débonnaire ambassadeur des Etats-Unis au Chili, une cuisinière...) et qui chacun à sa manière va redire comment s’est passé "son" histoire du 11 septembre.
Le film commence et finit avec le suicide d’Allende dans son palais en flammes : le Chili du 12 septembre n’intéresse pas Guzman. L’histoire du Chili n’existe plus dès lors qu’Allende n’existe plus. C’est faire l’impasse sur les terribles années de la dictature, qui contribuèrent largement à l’effacement de cette mémoire, mais le parti pris est clairement assumé (les purges de l’après-Allende ne sont évoquées qu’allusivement). À cet effacement douloureux Guzman répond par une mémoire dispersée : ainsi de la chronologie, qui bondit de la chute à l’ascension, des grandes espérances aux premières embûches, sans déroulement linéaire trop simple. Ainsi de la forme, qui fait alterner les interviews d’aujourd’hui avec les images d’hier. On apprend donc beaucoup, et c’est une belle occasion de se replonger dans une époque pas si lointaine, dont on croit connaître tous les enjeux et tous les drames. Or l’aventure chilienne qui s’est incarnée en Salvador Allende reste l’une des plus singulières du XXe siècle, avec son lot d’idéalisme et de désillusion, de rêve et de realpolitik - américaine, déjà... Mais elle est surtout la première fin d’un rêve politique (une société démocratique et socialiste) et la première manifestation d’un pouvoir américain arbitraire. Une histoire pas tout à fait terminée, à ce qu’il semble...
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Norman06 20 octobre 2009
Salvador Allende
Document bien construit, à partir de témoignages bien choisis (anciens informateurs de la CIA, ex militants proches de Allende...), le film décrit avec intelligence le portrait de ce Président atypique, cultivé et populaire, réformateur et intègre, qui voulut instaurer le socialisme pacifiquement, sans prendre la précaution de s’attirer les bonnes grâces de l’armée. Si le cinéaste prend parti sans réserve pour Allende, jamais le documentaire ne verse dans l’hagiographie et le discours lénifiant.