Spaghetti sauce vodka
Le 3 décembre 2009
Pour son premier film, Nikita Mikhalkov revêt imper et bottes pour un western où les steppes de la Russie n’ont rien à envier aux collines de la Monument Valley.
- Réalisateur : Nikita Mikhalkov
- Acteurs : Aleksandr Kaidanovsky, Anatoli Solonitsyn, Nikita Mikhalkov
- Genre : Aventures, Western
- Nationalité : Russe
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– Durée : 1h40mn
– Titre original : Svoi sredsi tchoujykh, tchoujoi sredi svoikh
Pour son premier film, Nikita Mikhalkov revêt imper et bottes pour un western où les steppes de la Russie n’ont rien à envier aux collines de la Monument Valley.
L’argument : Pendant la Guerre civile, la Russie a besoin de blé. On ne peut en acheter à l’étranger qu’avec de l’or. Le Parti communiste de Sibérie envoie une cargaison de métal précieux à Moscou sous la protection d’un groupe de Tchékistes. Ces derniers sont attaqués et l’or est confisqué. Un des Tchékistes resté vivant est accusé de trahison. Il part seul à la recherche du trésor perdu. Son courage et sa ruse lui feront retrouver l’or et prouver en même temps son innocence.
Notre avis : Il était une fois la Révolution ! Et au pays des Soviets aussi, quand deux camps se font la guerre, on voit défiler une cascade de bons et de brutes, tous téméraires et tous truands. Le nôtre parmi les autres, premier film d’un Mikhalkov à l’époque coqueluche médiatique du tout-Moscou, consiste en un joyeux détournement des codes du western - et déjà de sa première dérivation, le western spaghetti à la Leone -, passés à la couleur rouge. Pourtant, les apparences sont trompeuses, car si l’ouverture tonitruante des bolchéviques riant aux éclats sur fond de chant épique et larmoyant fait craindre les pires poncifs de la rhétorique marxiste-léniniste version soupe populaire, le cinéaste révèle en réalité ses véritables armes au fur et à mesure que l’histoire, un brin décousue, se met en place. Ce qui l’intéresse, ce sont surtout les variations et les scènes « pour rien », le plaisir narcissique de se mettre en scène, et de tourner les âmes dévouées de la Révolution en cow-boys farouches sillonnant le paysage désertique des steppes comme un immense territoire à conquérir. Certes, on penche davantage du côté de Sergio Leone que de celui de John Ford ; en termes de virilité et de bonhomie, les personnages n’atteignent pas l’ombre d’un John Wayne, et se réfugient le plus souvent dans la lâcheté, la colère ou la boisson. Le registre grotesque traverse le film dans un habile jeu de massacres de tous les héros potentiels, du révolutionnaire fanatique imbécile et hystérique à l’apparatchik inquiet de son sort, qui remonte compulsivement les pendules pour se calmer les nerfs.
Ni critique ni apologie du régime soviétique, Le nôtre parmi les autres reste tout de même un joli pied de nez aux faiseurs de mythes, en s’attachant de la sorte à une galerie de « ratés », qui ne semblent pas le moins du monde se préoccuper des grands intérêts patriotiques ou du camarade Lénine, dont on aperçoit, au détour d’un plan, la photographie érigée en icône sur le mur. Désaveu discret de l’utopisme : soixante ans après Octobre d’Eisenstein, les gros plans sur les visages des bolchéviques ne sont plus vecteurs d’un pathos révolutionnaire, mais reflètent bien plutôt l’abrutissement et l’ivrognerie de certains esprits mal dégrossis. Si ce premier essai dégage encore la fraîcheur - et l’immaturité... - d’un cinéaste en recherche de son propre style, on apprécie le décalage constant que Mikhalkov cherche à produire, par rapport à sa culture personnelle, la facilité dans laquelle il pourrait sombrer, et les évidences auxquelles le spectateur est habitué : identification impossible, jeu entre couleur et noir et blanc - sans qu’une distinction explicite vienne marquer le sens à lui accorder -, amorces de plans-séquences prolongés... A noter surtout, une direction d’acteurs déjà remarquable, qui se confirmera dans les films suivants, et laisse le spectateur un moment dans le doute : entre le poncho de Clint Eastwood et la veste militaire des soldats russes, y a-t-il vraiment tant d’écart ?
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