Le 17 octobre 2005
Inattendu, peut-être. Mérité, sûrement.
Inattendu, peut-être. Mérité, sûrement.
En ouverture du site officiel de Pinter figure une phrase écrite en 1958, où le dramaturge britannique soutient qu’il n’y a pas de différence entre ce qui est réel et ce qui est irréel, ni entre ce qui est vrai et ce qui est faux. Nonobstant, le prix Nobel qui vient de lui être attribué est tout ce qu’il y a de plus réel, n’est-ce pas cher Harold ? Cher Harold, oui. Comment ne pas aimer, apprécier et admirer cet homme à la fois pour son talent littéraire multiforme et pour son engagement sur de nombreux fronts des idées.
Poète, dramaturge, scénariste, essayiste, Pinter est né en 1930, dans l’East End londonien. Son père était tailleur. Et juif. Après des études à la London’s Royal Academy of Dramatic Arts, Pinter commence une carrière d’acteur en 1950. Simultanément, il publie ses premiers poèmes. Dès 1957, il écrit pour la scène. Trois ans plus tard, le succès est au rendez-vous avec Le gardien (The caretaker). Sa grande période créative court sur trois décennies emplies de pièces de théâtre et d’adaptations cinématographiques, pour Losey [1] entre autres. Ses premières œuvres, qu’on décrit en anglais comme des comedies of menace, partent de situations anodines pour déboucher sur un absurde tragi-comique menaçant (influencé par Beckett, un autre prix Nobel, dont il était l’ami). Par la suite, ses écrits ont pris un caractère plus politique, très marqué à gauche.
En même temps, il se consacre à la défense des droits de l’homme (Chili, Turquie, Afghanistan, etc.). Atteint d’un cancer de l’œsophage - aujourd’hui heureusement en régression -, il avait annoncé récemment qu’il abandonnait l’écriture pour se vouer à la politique : "Vingt-neuf pièces, ça suffit" ! Epris de justice sociale, cet antimilitariste congénital a commencé très tôt à ruer dans les brancards : à l’âge de vingt ans, il était poursuivi pour objection de conscience. Très ferme adversaire de la guerre en Irak, virulent anti-blairiste (ce Nobel, qu’on peut considérer comme un blanc-seing à ses prises de position, provoque la soupe à la grimace dans les milieux proches du Premier ministre), Pinter monte régulièrement au créneau avec une inlassable énergie. Il n’en demeure pas moins, sous ses dehors de porc-épic mal embouché et fort en gueule, un homme goûtant les plaisirs de la vie, le cricket en particulier. Et comme il avait dit un jour : "I find critics on the whole a pretty unnecessary bunch of people" [2], nous nous garderons précautionneusement de décortiquer ici la subtile mécanique d’horlogerie de ses pièces. Sachons seulement qu’il est classé par les exégètes parmi les maîtres de la "fragmentation". Mais peu importe, en réalité, car c’est le public qui décide. Et du côté des spectateurs, la réputation de Pinter n’est plus à faire. Elle est même arrivée jusqu’aux oreilles des membres de l’Académie suédoise qui prend tout le monde par surprise en décernant ce prix totalement inattendu. Totalement mérité. Et en droite ligne avec les idéaux d’Alfred Nobel, inventeur de la dynamite mais aussi pacifiste convaincu. Gageons que Pinter saura utiliser le million d’euros qui tombe dans son escarcelle à la défense des causes qui lui tiennent à cœur.
Pour tout savoir sur Harold Pinter, rendez-lui visite sur son site officiel
[1] The servant, Accident et Le messager
[2] Je trouve que les critiques, dans leur ensemble, sont des gens bien peu nécessaires
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