Allø maman bøbø
Le 8 avril 2003
Une saga furieuse et habitée, sur les rives de la mer de Norvège.
- Auteur : Herbjørg Wassmo
- Editeur : GAÏA
- Nationalité : Norvège
- Date de sortie : 22 août 2002
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Après la trilogie de Tora, Herbjørg Wassmo reprend les thèmes de l’enfance maltraitée et de la féminité à travers un personnage obscur et passionné. Une saga furieuse et habitée, sur les rives de la mer de Norvège.
Le livre commence en haut d’un abîme. Une femme, debout dans la neige, regarde un précipice. Blessée ou meurtrière, mystérieuse, elle s’éloigne de ce lieu de mort et son histoire, peu à peu, nous est contée. Comme dans un long poème épique, au rythme des saisons, des rites, dans un village aux confins du monde, à l’extrême nord de la Norvège. Herbjørg Wassmo dresse un univers dans lequel on pénètre petit à petit, sur les traces des personnages qui la hantent.
Dina est une enfant presque sauvage, tacitement rejetée par les siens pour avoir accidentellement causé la mort de sa mère. Solitaire et violente, marquée par une malédiction qui lui échappe, elle a pour seuls refuges la musique et la beauté silencieuse des chiffres. Mariée très jeune à un homme plus âgé, elle prendra à la fois possession de lui et de son domaine, sans partage, chamboulant autour d’elle les convenances et l’ordre établi. Devenue veuve dans d’obscures circonstances et mère d’un fils qui souffre de son indifférence, elle traversera des passions brèves et charnelles et de longs moments de solitude et de silence. Jusqu’à l’arrivée d’un étrange voyageur qui apporte avec lui l’amour, dévorant et obsessionnel, mais aussi et surtout la douleur de l’absence... Dina, devenue une femme impulsive et impénétrable, d’une intelligence à la fois rigoureuse et instinctive, imposera autour d’elle son entière et tyrannique vision de la justice et de l’amour, mâtinée de références bibliques et d’instinct animal.
"Je suis Dina", psalmodie-t-elle dans de récurrents monologues où elle nous livre ses visions violentes et poétiques, "Je suis Dina, qui vois." Dina qui sème autour d’elle un parfum de passion et de mort. Passion sexuelle, libre et dévastatrice. Toute jeune fille, elle découvre avec un appétit curieux le corps de l’homme, de celui qu’elle va posséder, garder en elle-même au-delà de la mort. Car partout l’accompagnent les fantômes de ceux qu’elle a aimés. Pour Dina, il n’y a pas vraiment de frontière entre les vivants et les morts. Entre ce qui est permis et interdit. Entre le bien et le mal. Il n’y a que son propre jugement, sans appel.
A travers le cheminement de Dina on découvre une société, un microcosme, avec ses règles, ses habitudes, ses fantômes. Monde de glace et de vent, entre mer et montagne. Un lieu qui vit avec le mouvement des bateaux, plongé de longs mois durant dans l’étrange clarté du soleil de minuit. Herbjørg Wassmo nous entraîne dans une atmosphère unique à force de détails de la vie quotidienne, infimes et savoureux. Le goût des mûres jaunes, du vin de Madère, l’agitation des servantes en cuisine, l’omniprésente odeur de sel qui monte des entrepôts. Les paysages glacés et silencieux, et aussi les grandes tablées où résonnent les conversations politiques et parfois une musique profonde et grave quand Dina consent à partager quelques accords de violoncelle.
Au fur et à mesure que Dina grandit elle semble parfois devenir plus humaine, livrer ses failles et ses blessures. Mais petit à petit se dessine un personnage si dense et si complexe que même ses fêlures nous paraissent insondables. Dina reste la femme au bord du précipice. Dont on ne sait si elle est la victime ou la meurtrière. Aussi imprévisible et violemment touchante qu’un être de chair et de sang.
Portés par un style à la fois simple et évocateur, par un lyrisme maîtrisé, ces trois tomes donnent peu à peu aux lieux, aux personnages, aux atmosphères, une réalité qu’on garde longtemps en mémoire. Les images d’une tragédie lumineuse et brusque. Une forte empreinte.
Le livre de Dina de Herbjørg Wassmo vient d’être réédité par Gaïa, l’éditeur qui l’a fait connaître en France. Les trois tomes (Les limons vides, Les vivants aussi et Mon bien-aimé est à moi) en un seul volume de 560 pages au prix de 23 euros
On peut également se procurer la trilogie en format poche, aux Éditions 10/18
– Regards croisés : Dina, le film de Ole Bornedal
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