Dina

Adapté du Livre de Dina, écrit en 1988 par Herbjorg Wassmo, Dina évoque la destinée d’une femme, livrée à elle-même dans son enfance et devenue une créature indomptable et rebelle. Une saga romanesque dans le monde des morts. Âpre et poétique.

Dans un décor de fin du monde, figé dans la glace, là-haut à l’extrême nord de la Norvège, Dina (Maria Bonnevie) ordonne, frappe et hurle. Impétueuse héroïne, elle semble poursuivie par la mort depuis le jour funeste où, à peine âgée de cinq ans, elle tua sa mère par accident. Maudite par son père et livrée à elle-même, elle devient un être sauvage et douloureux, mais libre. Infiniment seule, elle grandit, avec pour unique compagnie les fantômes de ceux qu’elle a aimés. Seules les notes effrénées qu’elle tire de son violoncelle semblent à la mesure de la furie qui l’habite. Désormais, défiant toutes les conventions, elle va vivre chaque instant dans l’absolu. Mariée de force à Jacob (Gérard Depardieu), elle le possède jusqu’à l’engloutir. Ange de la mort, amante passionnée et exclusive, elle prend sans donner, et laisse libre cours à ses désirs sexuels. Jusqu’à ce que l’amour, à son tour, la possède.

Voilà un film singulier. Adapté d’un best-seller de la littérature scandinave, Dina semble tout droit sorti de l’univers des soeurs Brontë et son héroïne, à la fois la glace et le feu (images récurrentes du film), rappelle immanquablement Heathcliff, le maître des Hauts de Hurlevent. Ici, l’amour est une torture et la mort une délivrance. Cette ambivalence, que le réalisateur Ole Bornedal explore avec ce qu’il faut de poésie et de violence, porte le récit. Le scénario est habile, la mise en scène efficace, et il y a de l’ampleur dans chaque image, ne serait-ce que dans la façon de cadrer les paysages de Norvège ou de filmer les colères de Dina. Et le spectateur, malgré quelques longueurs, de se laisser emporter, jusqu’à la dernière minute, par cette épopée romanesque tumultueuse.

L’interprétation de Marie Bonnevie est époustouflante. Elle porte véritablement le film. Elle n’éclipse pourtant en rien les seconds rôles qui rivalisent d’intensité. Outre Gérard Depardieu et Christopher Eccleston, l’énigmatique Léo, il faut souligner les performances remarquables de Bjorn Floberg, l’impénétrable père de Dina, et de Mads Dittmann Mikkelsen, le seul personnage ouvertement hostile du film. On regrettera, malgré tout, qu’à l’inverse du roman, les personnages masculins frôlent parfois ici la caricature. Les costumes, dont les couleurs éclatantes tranchent avec l’austérité des paysages, ajoutent à la magie de l’ensemble.

Peu distribué en France, le cinéma scandinave trouve ici un argument de poids. Dina est une véritable réussite en son genre et réjouira tous les amateurs de drames épiques. Il faudra néanmoins guetter sa sortie. Le film n’aura droit qu’à soixante-dix copies.