Le 25 décembre 2002
Le Pulitzer 2002. Tableau cruel d’une petite ville américaine observée avec une précision microscopique.
Prix Pulitzer 2002, Russo déroule, dans Le déclin de l’empire Whiting, une longue bobine dont le fil semble interminable. Tableau cruel d’une petite ville américaine observée avec une précision microscopique.
Ils se connaissent tous, depuis longtemps. Leurs parents ont côtoyé ceux de leurs voisins. Il y a fort à parier que leurs enfants fréquenteront à leur tour ceux de leurs meilleurs amis. Bienvenue à Empire Falls, dans le Maine, petite ville de l’Amérique ordinaire. On naît, on grandit, on vieillit et on meurt à Empire Falls, sous l’oeil bienveillant de Mrs Francine Whiting. Mrs Whiting incarne les jours heureux d’Empire Falls, l’époque d’une prospérité révolue. Et, même si elle fait toujours la pluie et le beau temps dans sa ville, les usines ont fermé une à une, attendant d’improbables investisseurs capables de relancer une économie sinistrée. On survit comme on peut.
Le déclin de l’empire Whiting, c’est l’histoire d’un homme qui a voulu détourner le cours du Knox, ce fleuve capricieux qui déversait ses déchets dans sa propriété. Aux grands maux les grands remèdes. Les berges ont été démolies à coups de dynamite et Charles Beaumont Whiting a pu construire son hacienda. Maîtriser la nature n’est pas plus difficile que de dompter les hommes. Tout a un prix. Quand on possède la totalité des commerces de la ville, rien ne semble pouvoir perturber le cours d’une existence réglée d’avance. Rien ?
C’est Miles Roby qui nous sert de guide. Il gère l’Empire Grill, lequel appartient à Francine Whiting, veuve de Charles Beaumont. Il fait cuire des hamburgers tous les jours de la semaine pour les clients du restaurant, les mêmes depuis des lustres. David, son frère, lui donne un coup de main. Miles vient de se faire plaquer par sa femme, partie tenter l’aventure avec un vieux playboy gérant une salle de sport. Il encaisse plutôt bien, mieux qu’il ne l’aurait cru. Tick, sa fille, est en pleine crise d’adolescence. Max, son père, est un vieil emmerdeur aussi pénible qu’imprévisible. Le tableau familial est dressé. Il reste Grace, sa mère, qui l’obsède, morte d’un cancer alors qu’il était à l’université. Grace ou la bonté même, la mère idéale, la maman chérie. Grace, décédée alors que la famille Whiting connaissait son heure de gloire et que les usines tournaient à plein régime.
On entre dans l’histoire de Miles Roby comme on pénètre dans un labyrinthe. Les couloirs sont multiples et l’on n’est jamais bien certain de trouver la sortie. Car l’histoire de Miles se superpose à celles d’Empire Falls et de la famille Whiting. On se déteste ou on s’aime de génération en génération. Les sentiments sont héréditaires. Et les réputations, on n’en parle même pas. Prenez Zack, le fils de Jimmy Minty, le flic le plus véreux à des kilomètres à la ronde... La même graine. Le père de Jimmy était déjà un fieffé salaud, alors évidemment...
Ce roman joue en permanence dans la subtilité. Russo nous entraîne dans une fiction monumentale où le moindre détail possède toujours une importance considérable. Les écrivains américains sont spécialistes des grandes sagas familiales et Le déclin de l’empire Whiting en constitue un bel exemple. Le récit semble traîner parfois, difficilement avancer, mais rien n’est dû au hasard. On pénètre peu à peu la complexité des personnages et leurs traumatismes, tous prisonniers les uns des autres comme des mouches dans une toile d’araignée. Russo captive, du début à la fin. L’histoire d’Empire Falls ressemble à celle de l’Amérique modeste et résignée, sans rêves et sans illusions.
Richard Russo, Le déclin de l’empire Whiting, (Empire Falls, traduit de l’anglais (américain) par Jean-Luc Piningre), Quai Voltaire, 2002, 522 pages, 21,50 €
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