Le 31 octobre 2005
Une certaine idée de la mission des prix littéraires.
Depuis 1998, le prix Wepler-Fondation La Poste défend avec passion une littérature différente, portée par une autre idée de la langue et de la création. Marie-Rose Guarniéri, sa fondatrice, en a fait son combat, pour retrouver la mission première des prix : faire connaître, défendre et encourager.
Marie-Rose Guarniéri est souriante et volubile, enthousiaste et pourtant lucide et on comprend dès le premier instant qu’elle est de celles qui ne marchent qu’animées par la passion. La sienne, ce sont les livres, une certaine idée de la littérature et du rôle du libraire, le goût du partage. Depuis neuf ans, elle donne un peu de son âme à la Librairie des Abbesses et va jusqu’au bout de ses convictions pour défendre la littérature qu’elle aime, enracinée dans un quartier pas comme les autres, Montmartre, lieu mythique, creuset d’une certaine idée de l’art et de la création, lieu de résistance historique et culturelle. La librairie se devait de relayer cet esprit, cette liberté, cette défense d’une création en marge des institutions, qui doit sans cesse entrer en lutte pour se faire reconnaître.
L’aventure du prix Wepler-Fondation La Poste est née d’un constat. Celui d’un malaise culturel entretenu par une presse consensuelle et peu indépendante, la perte de l’esprit de découverte et surtout une confusion entre vente et qualité. Dans ce contexte, certains livres étaient d’emblée écartés du jeu. Des livres plus exigeants que d’autres, ou plus timides, qui avaient en tout cas besoin de plus de temps pour faire leur place auprès des lecteurs.
Aujourd’hui, répète Marie-Rose Guarniéri, les prix ne font plus leur travail. Les jurys se contentent de courir après la victoire en primant des titres aux ventes assurées, et surtout, confondent auteurs et écrivains, faisant des lauréats des produits jetables dans la logique d’une société consumériste.
Mais le ver est dans le fruit, et ce qui fausse définitivement la donne des prix littéraires, c’est l’immuabilité des jurys. La libraire a fait son credo de cette notion de jury tournant qui fait ses preuves dans d’autres pays d’Europe. En France, on parle avec un peu de condescendance de "jurys de lecteurs" qui fonctionnent pourtant avec succès et tiennent leur place sur le marché des récompenses. Mais Marie-Rose Guarniéri va au-delà de ce principe, puisque pour elle, même dans ces jurys, la règle du jeu n’est pas tout à fait respectée dans la mesure où les jurés n’ont accès qu’à une présélection. Ceux du prix Wepler, eux, vont jusqu’au bout de l’aventure, et reçoivent, à chaque rentrée, plus de cent livres parmi lesquels ils devront extraire les douze ouvrages finalistes. Pour sa fondatrice, le prix Wepler montre qu’il n’y a pas de fatalité. Un prix peut encore exister et remplir son rôle de mécène, soutenir des voix littéraires, une certaine langue, encourager l’audace, créer du phénomène autour d’auteurs qui habituellement restent dans l’ombre. Marie-Rose Guarniéri se réclame de la lignée de ceux qui ont gardé la foi en dépit des modes, Adrienne Monnier, Jérôme Lindon, Jean-Jacques Pauvert, ceux qui ont su imposer une littérature différente, seuls contre tous. Une démarche indissociable d’une certaine idée du métier de libraire, un lecteur éclairé qui se ferait passeur et tendrait avec constance le fil invisible qui réunit sur une même planète Marie Ndiaye, Henri Calet, Antoine Volodine ou Richard Morgiève.
Il y a deux ans, le prix Wepler récompensait Eric Chevillard, pour son Vaillant petit tailleur, qui lui aussi, dit-on, triompha des géants !
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.