L’étrangleur - Le test DVD

Un voyage étrange et doucement inquiétant au bout de la nuit, à la fois hospitalière et dangereuse.

L’argument : Enfant, Emile croise, lors d’une fugue nocturne, un criminel qui étrangle sous ses yeux une femme en pleurs. Marqué à vie, il essaie, aux abords de la trentaine, de faire revivre cet instant précieux. Emile amasse ainsi dans la journée les renseignements nécessaires à l’accomplissement de ce qu’il ne croit pas être un crime.

Notre avis : O nuit cache ma peine elle est de n’être rien : cette phrase est placée en exergue du second long-métrage de Paul Vecchiali. Le film est un hymne à la nuit, à la fois hospitalière et dangereuse. Son héros, doux assassin obsédé par le bonheur, le dit : La nuit (...) les gens sont doux, ouverts, vulnérables, disponibles. Il n’y a plus de contraintes, plus de lutte pour la vie. Le temps non plus n’est pas le même.
Vrai-faux film de genre, décalé mais refusant le deuxième degré, L’étrangleur baigne dans un univers étrange et familier à la fois. Le folklore du cinéma populaire des années 30 à 50 s’y associe à un réalisme quasi documentaire, le Paris de la fin des années 60 y étant à la fois observé avec exactitude et totalement réinventé.
Vecchiali est ici très proche de Jacques Demy, autre amoureux de Bresson et de Danielle Darrieux. L’un et l’autre cultivent le goût de la tragédie joyeuse, du naturalisme à paillettes et d’un humour exquis et déroutant (Elles sont en quoi vos écharpes ? En laine ? - Non en soie, la plus belle soie qui soit).

– Lire l’intégralité de notre critique.

Le DVD

Après Femmes, femmes, c’est au tour de L’étrangleur de bénéficier d’une très belle édition DVD La Vie est belle, disponible à partir du 6 septembre 2011.

Les suppléments

Plusieurs entretiens filmés spécialement pour cette édition DVD complètent le programme :
– Face à la caméra d’Emmanuel Vernières, Paul Vecchiali évoque la genèse de ce film qu’il dit nourri de choses étranges et étrangères à lui et pour cela même absolument nécessaire en lisant un passage du tome 5 de son autobiographie Les aléas de la sieste : Il y eut les nuits, les repérages hasardeux dans les banlieues franciliennes (...) Le danger d’ailleurs était partout, à chaque coin de rue, dans les terrains vagues, le long de la Petite Ceinture (...) Quelquefois, dans les endroits quasi déserts, se profilaient des silhouettes, des hommes toujours, à l’abri de la détresse, arborant leur solitude comme une réponse aux vicissitudes du quotidien, doux, vulnérables sans doute, refusant la compétition, ouverts à n’importe quel échange, pourvu qu’il soit généreux, sans finalité avérée (...) Le soir qui suivit ma dernière dérive, je sus que le film était prêt.
– Une rencontre avec Paul Vecchiali : en 19 minutes le cinéaste, merveilleux conteur, raconte les années qui suivirent l’échec de son premier long-métrage Les ruses du diable et comment il écrivit en quinze jours l’histoire de cet enfant non pas traumatisé mais charmé par un acte meurtrier et (qui) passe sa vie à le reconstituer.
Interrogé sur le choix de Perrin, il évoque son interprétation dans Journal intime de Zurlini et dit aussi avoir proposé le rôle d’Emile à Delon à cause de son regard d’innocence totale dans Rocco et ses frères.
Il redit aussi son admiration pour Hélène Surgère. Ayant oublié de changer une réplique qu’il trouvait impossible (J’ai perdu mon temps. J’ai perdu ma vie.) il fut obligé en l’entendant la dire de constater qu’Il n’y avait pas de mauvais texte, il n’y avait que de mauvaises actrices.
– On écoutera aussi attentivement Jacques Perrin évoquer ses souvenirs du tournage (Première partie : Mémoire) et on assistera à ses émouvantes retrouvailles avec Vecchiali lui demandant comment, aidé par Eva Simonet, il avait réussi à surmonter sa pudeur (deuxième partie) initiale pour entrer dans le film.

Image

L’excellente qualité de la copie et du report en DVD permet d’apprécier pleinement les exquises couleurs inventées par le chef opérateur Georges Strouvé et de se laisser captiver par les merveilleuses ambiances nocturnes (et diurnes) d’un Paris de 1970 amoureusement filmé.

Son

Aucun souffle notable ne vient parasiter la bande son, mono comme il se doit mais parfaitement nette et audible, même s’il faut par moments légèrement tendre l’oreille pour saisir les dialogues comme chuchotés. Difficile de résister à la superbe partition musicale de Roland Vincent.