La chute
Le 1er avril 2014
Un conte cruel, le premier chef-d’œuvre du parlant. Et Marlene, allumeuse immortelle.
- Réalisateur : Josef von Sternberg
- Acteurs : Marlene Dietrich, Emil Jannings, Rosa Valetti, Hans Albers, Kurt Gerron, Eduard von Winterstein
- Genre : Drame, Musical, Noir et blanc
- Nationalité : Allemand
- Distributeur : Films sans Frontières
- Editeur vidéo : MK2 Video
- Durée : 1h48mn
- Date télé : 12 octobre 2023 21:58
- Chaîne : Ciné+ Classic
- Reprise: 2 avril 2014
- Titre original : Der blaue engel
- Date de sortie : 22 juillet 1930
Critique : Ce sera le seul film allemand du réalisateur d’origine viennoise Josef von Sternberg, mais quel film ! Sternberg est appelé à Berlin par l’immense acteur qu’est Emil Jannings. À savoir que celui-ci a reçu le tout premier Oscar du meilleur acteur en 1929 [1], mais qu’en même temps sonnait le glas de sa carrière hollywoodienne avec l’avènement du parlant et un accent teuton à couper au couteau. Après quelques hésitations, on se décide pour l’adaptation d’un roman de Heinrich Mann, Professor Unrat, qu’on triture un peu avec la bénédiction de l’auteur. Reste à trouver le premier rôle féminin et c’est le coup de génie de Sternberg qui impose une quasi débutante, Marlene Dietrich.
Conte cruel que cet Ange bleu racontant la déchéance d’un petit professeur de province, moqué par ses élèves - il s’appelle Rath, ils l’appellent Unrat (ordure) - tombé sous le charme d’une chanteuse de beuglant qui n’est pas un ange, hélas : elle le mènera à toutes les déchéances. Victime de son désir, envoûté, ensorcelé, humilié, le professeur court à sa perte avec un masochisme tenace. Ravages de la passion destructrice qu’incarne Jannings, pathétique ver de terre amoureux d’une étoile, avec une intensité peu commune. Grand acteur, vraiment, il fallait qu’il le soit pour ne pas être écrasé par la présence irradiante de Marlene Dietrich, tenue légère et chapeau claque, femme fatale aux jambes gainées de soie noire, de la tête aux pieds faite pour l’amour, comme elle le chante de sa voix de velours. Lola-Lola la magnétique, sex-symbol étourdissant, allumeuse ambiguë, clé de voûte du premier chef-d’œuvre du parlant. Un film stylisé, tout en lumière et ombre, fait de tableaux minutieusement composés. Un film à part pour Sternberg, adepte de la démesure, des cadrages originaux, des très gros plans, des mouvements de caméra. Rien de tout cela dans L’ange bleu. C’est que la technique balbutiante du parlant l’interdisait. Il fallait éloigner des comédiens les caméras extrêmement bruyantes, d’où ce film réalisé presque entièrement en plans moyens, d’une facture donc très simple, qui n’ôte rien à sa force percutante, bien au contraire (la preuve une fois de plus que la contrainte pousse à la créativité).
Le rôle de Lola-Lola catapulte Marlene Dietrich au firmament. Elle part pour Hollywood faire la carrière que l’on sait (elle tournera encore six films avec Sternberg), devient une des plus grandes stars du XXe siècle. Et Jannings, me direz-vous, qu’est-il advenu de cet immense acteur ? Pourquoi ne parle-t-on presque plus de lui aujourd’hui, lui qui fut, à une époque, le plus respecté des acteurs allemands ? C’est triste à dire mais l’homme a pris fait et cause pour Hitler, a mis son art au service de l’idéologie nazie - il était l’acteur préféré du Führer. Tout le contraire de sa compatriote qui elle, de Hollywood et naturalisée américaine, ne cessera de combattre la peste brune, allant jusqu’à faire des tournées de soutien en Europe pour les boys se battant contre son pays d’origine. Comme quoi gloire ou oubli ne sont pas que le résultat des rôles qui vous ont été confiés sur grand écran, mais aussi de ceux que vous avez joués de manière privée...
Les suppléments : Le coffret comporte la version originale allemande ainsi que la version anglaise, tournée et montée en même temps. Les fous de cinéma pourront s’amuser à observer minutieusement les différences entre les deux versions (angles de prise de vue, déplacements des acteurs, mouvements des caméras, montage). Évidemment, il n’y a pas photo et on comprend aisément, lorsqu’on entend les atroces accents allemands, pourquoi la version anglaise a très peu été montrée... Une rareté, donc (même les chansons ont été traduites), un document qui fait mieux comprendre que l’arrivée du parlant ait pu briser certaines carrières (cf. Chantons sous la pluie...). Une courte mais éclairante comparaison des deux versions est proposée en suppléments, accompagnée d’une très brève interview de Marlene Dietrich (1’), de quelques chansons (Dietrich sur scène dans les années 60 et 70), de ses essais filmés (elle crève l’écran), ainsi que des bandes-annonces des années 30 et des années 60. Le tout propre mais sans grande ambition : on aurait bien voulu un peu de mise en perspective historique et de décorticage technique, les chefs-d’œuvres immortels se prêtant bien habituellement à cet intéressant exercice. Pour autant, cette édition spéciale à tirage limité ne déparera pas votre DVDthèque où elle prendra tout naturellement, et avec bonheur, sa place parmi les grands classiques du septième art.
La technique : Un seul vœu mais de taille : quand se décidera-ton à restaurer L’ange bleu comme une œuvre de cet acabit le mérite ?
Détails techniques
– Éditeur : MK2
– Édition spéciale, tirage limité
– Coffret deux DVD
– Format image 1.33
– Formats audio : version originale allemande/version originale anglaise, sous-titres français
– Format vidéo : 4/3
[1] Pour ses prestations dans The Last Comrad, de von Sternberg, justement, et The Way of All Flesh, de Victor Fleming
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Frydman Charles 7 décembre 2006
L’ange bleu - Josef von Sternberg - critique
RIVAUX OU COMPLEMENTAIRES ?
Le Dr Rath a un comportement surprenant..."être ou ne pas être ?", comme la citation d’Hamleth de Shakespeare enseignée à ses élèves...Etre le meilleur ou ne pas être....L’élève Ertzum (que l’on peut traduire par "le premier) trébuche un peu,prononce mal le "the" anglais. être le premier ou rien.Le professeur considère ses élèves comme des ennemis peut-être parce qu’il veut garder son autorité ,le maximum de distance avec eux .Le Dr Rath a peur de descendre de son piédestal...Mais sa respectabilité est mise à mal par les quolibets de ses élèves. Néanmoins son enseignement n’est pas contesté. Avant même d’avoir des relations avec Lola-Lola , il est jaloux de ses rivaux potentiels...
Kiepert , le magicien ,envisageait une collaboration entre "l’art et la science"...Mais ce fut "l’art ou la science"...Le professeur ne fut plus rien sous la coupe de Kiepert...
Un mariage a néanmoins eu lieu avec Lola-Lola...Mais le Dr Rath ne prend aucune décision...c’est elle qui tient les ficelles de ce docteur devenu son pantin...
Bleu ,la couleur complémentaire est le jaune. Jaune moutarde...
Le film "la moutarde me monte au nez" est complémentaire de "l’ange bleu" en quelque sorte...
Le Dr Rath est tyrannique et haï...Durois gentil ,presque laxiste...Aimé .Malgré ses gaffes ,Durois s’adapte à diverses situations. Il est beaucoup plus permissif que le Dr Rath mais garde néanmoins ses distances en ne répondant pas aux avances des collégiennes. Durois ne se vexe pas lorsque Jane Birkin dit avoir eu sa licence de maths avec mention alors que lui n’a pas eu de mention...