Au contraire de son actrice fétiche, Maria Magdalana von Losch, qui abandonna sa particule pour devenir Marlene Dietrich, Josef Sternberg (1894-1969), né à Vienne dans une famille de la bourgeoisie juive commerçante, ne se gêna pas pour s’accorder un "von" ronflant dès ses débuts dans le cinéma... Après des études en Autriche et aux Etats-Unis, il met le pied dans le métier en tant que monteur et assistant, et signe en 1925 un premier film remarqué par Chaplin et Mary Pickford, (The salvation hunters). Son caractère impossible manque de gâcher ces débuts prometteurs, cependant, son immense talent ne tarde pas à être reconnu avec Underworld (1927) considéré dans l’histoire du cinéma comme le premier vrai film de gangsters.
L’avènement du parlant, c’est L’ange bleu (1930) pour Sternberg, et sa découverte de Marlene Dietrich, quasi débutante encore un peu rondouillarde... On connaît la suite. Pendant cinq ans, le tandem fonctionnera à plein régime : Morocco (Cœurs brûlés), Dishonoured (X27), Shangai Express, Blonde Venus, The Scarlet empress (L’impératrice rouge), The woman is a devil (La femme et le pantin). Une suite en clair-obscur, loin de tout réalisme, onirique, raffinée et décadante, magnifiant l’image de la femme fatale.
Sternberg a-t-il façonné Marlene ou l’a-t-elle simplement superbement inspiré ? Le débat reste entier, les deux protagonistes ayant une version totalement différente des faits. Toujours est-il qu’après 1935, le cinéma de Sternberg perd de sa puissance et de sa folie. Lui même avoue : "J’ai cessé de faire du cinéma en 1935." Quant à Borges, fin connaisseur de Sternberg - entre maîtres du baroque on se comprend - il écrira au sujet de Crime et châtiment (1935) : "Sans solution de continuité, il est passé de l’état d’hallucination à l’état de sottise. Auparavant, il paraissait fou, ce qui est quelque chose ; il est devenu tout simplement insignifiant." [1]
Constat féroce, mais justifié. Jusqu’en 1957, date de son dernier long métrage (Jet pilot), Sternberg ne tournera que des films tout juste honorables, à l’exception de The saga of Anathan (1953), l’histoire d’un groupe de marines japonais qui résiste encore sept ans après la fin de la guerre, où il renoue avec les décors irréels et l’érotisme sulfureux de ses chefs-d’œuvre.
Filmographie (extraits)
– Les nuits de Chicago (Underworld, 1927)
– L’assommeur (Thunderbolt, 1929)
– Morocco (1930)
– L’ange bleu (Der blaue Engel, 1930)
– Une tragédie américaine (An American tragedy, 1931)
– Agent X 27 (X 27, 1931)
– La Vénus blonde (Blonde Venus, 1932)
– Shanghai Express (1932)
– L’impératrice rouge (The scarlet empress, 1934)
– Crime et châtiment (Crime and punishment, 1935)
– La femme et le pantin (The devil is a woman, 1935)
– Sa Majesté est de sortie (The king steps out, 1936)
– Shanghai gesture (1941)
– The town (1944)
– Le paradis des mauvais garcons (Macao, 1952)
– Fièvre sur Anatahan (The saga of Anatahan, 1953)