Les grandes reprises
Le 4 juin 2018
L’apothéose de la frustration pour le dernier film du tandem Sternberg/Dietrich.


- Réalisateur : Josef von Sternberg
- Acteurs : Marlene Dietrich, Cesar Romero, Edward Everett Horton, Lionel Atwill, Alison Skipworth
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Paramount Pictures France
- Editeur vidéo : Universal Pictures Video
- Durée : 1h20mn
- Titre original : The Devil is a woman

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L’argument : Fin du XIXe siècle, en Andalousie. Malgré les mises en garde de son ami, un homme tombe sous le charme d’une chanteuse, Conception Perez, durant le carnaval de Séville. Rencontre fatale qui le mènera de déchéance en déchéance.
Notre avis : La femme et le pantin, c’est tout d’abord un roman de Pierre Louÿs, publié en 1898, qui relate une histoire de fascination et de servitude amoureuse, celle d’André Stévenol pour la jeune Concha, une sorte de "lolita" andalouse, dominatrice et cruelle. Son ton baroque et électrique ne pouvait que séduire Sternberg, comme il a inspiré, avant et après lui, de nombreux adaptateurs. Même Puccini avait envisagé d’en faire un opéra, c’est dire !
Déjà Reginald Barker et Jacques de Baroncelli s’étaient emparés de l’histoire à l’époque du muet. Plus tard, Duvivier la reprendra, dans une plate transposition contemporaine, pour une des multiples exploitations du filon BB. Passons... Pour retenir l’essentiel, c’est-à-dire deux chefs-d’œuvre, l’un signé par Sternberg, l’autre par Buñuel.
Cet obscur objet du désir, dernier film de maître espagnol, est peut-être l’adaptation la plus aboutie, en tout cas la plus personnelle du roman de Pierre Louÿs. Avec sa Conchita, jouée par deux actrices (Carole Bouquet et Angela Molina), Buñuel se joue de la réalité pour exploiter à fond un de ses thèmes de prédilection, la frustration sexuelle, lui inoculant un humour explosif, baigné de surréalisme sur fond de critique sociale. Un véritable testament...
Quant au film de Sternberg, c’est son scénario tendu comme un fil (Dos Passos y a participé) et son extraordinaire style visuel que l’on retiendra : une épure qui tend vers la blancheur, sublimée par une Marlene filmée de manière obsessionnelle, dont le visage n’est pas sans rappeler un masque de mort. Selon Stéphan Krezinski [1] : "Le désir est totalement exclu de ce film asphyxiant qui n’en donne que l’illusoire promesse de jouissance dont nous sommes tous les dupes." Une apothéose de la frustration, celle de Sternberg évidemment, pour son actrice qui lui échappait alors...
[1] Dans le Dictionnaire des films publié sous la direction de Bernard Rapp et Jean-Claude Lamy, Larousse, 1995