Le 3 juillet 2018
Œuvre baroque et somptueuse, Dishonored travaille l’image avec un soin et une invention remarquables. Et il y a Marlene ...
- Réalisateur : Josef von Sternberg
- Acteurs : Marlene Dietrich, Gustav von Seyffertitz, Victor McLaglen, Warner Oland, Lew Cody
- Genre : Drame, Film de guerre, Noir et blanc
- Nationalité : Américain
- Distributeur : Paramount Pictures France
- Durée : 1h31mn
- Titre original : Dishonored
- Date de sortie : 29 janvier 1932
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– Année de production : 1931
Résumé : Vienne, 1915. Veuve d’un capitaine mort sur le front, une jeune femme a sombré dans la misère et la prostitution. Elle est engagée comme espionne au service de son pays sous le matricule X27. Sa première mission consiste à séduire le général Von Hindau, suspecté d’intelligence avec l’ennemi. Elle découvre chez lui un message dissimulé dans une cigarette.
Notre avis : Moins connue et moins parfaite que L’impératrice rouge, cette troisième collaboration Sternberg / Dietrich est pourtant représentative d’un style qui se moque de son sujet pour valoriser une interprète et le soin maniaque apporté à l’image. L’espionnage n’intéresse pas plus le cinéaste (pour cela, voir le quasi-contemporain Mata-Hari de Fitzmaurice, avec la grande rivale Garbo) que la guerre ou le contexte historique : quelques stock-shots suffiront, l’essentiel n’est pas là. D’ailleurs, Sternberg n’est pas à l’aise dans les extérieur, qu’il a le don de filmer sans horizon (la rue obscure du début, la cour d’exécution murée…), à la manière dont il filme les intérieurs pour mieux les maîtriser.
Voici donc le parcours d’une veuve prostituée et espionne, acharnée à démasquer les traîtres et les Russes infiltrés. Peu de suspens, les enjeux sont clairs et les péripéties soigneusement raccourcies : ainsi ne verra-t-on pas comment X-27 entre au service des officiers russes. Cela n’importe pas. Le scénario se concentre sur un petit nombre de séquences, étirées, prétexte à admirer les poses et les costumes de Marlene, ses jupes et ses déguisements, son impeccable distinction et apparente froideur. Mais, sans doute encore plus, le cadre le fascine : à rebours du décor de L’impératrice rouge qui se prêtait à tous les excès, les garnisons et bureaux divers semblent condamnés au plus plat réalisme. Évidemment, il n’en est rien : la surcharge s’étale partout, du bal costumé à l’étrange pièce recouverte de cornues et de tuyaux, en passant par les extraordinaires jeux d’ombres et sur-cadrages ; c’est tout une panoplie qui se dévide pour figurer un chaos que ni les dialogues ni les comédiens n’expriment.
De la même manière l’utilisation de la surimpression encombre l’écran, qu’elle soit causale (le Russe se souvient du chat de Marlene), ou « simple » compression de temporalités. L’effet est le même, il s’agit de saturer l’image à la limite du lisible.
Mais ces excès ne sont évidemment ni gratuits ni une banale signature esthétique : Sternberg a trouvé non seulement sa « patte », mais encore une manière de retranscrire le monde tel qu’il le voit, en baroque raffiné ; ce qu’il montre, c’est une époque dans laquelle le sens se perd ou se dévoile difficilement. De là ces miroirs, ces voiles, ces ombres profondes. La vérité se cache sous des péripéties répétitives (deux condamnations, deux menaces avec revolver) et des signes récurrents (le piano, le chat) dont la signification varie : ainsi le chat est-il associé à la chance, mais il la trahit à un autre moment ; puis il devient dérision quand elle miaule au-dessus d’une armoire …
Sans doute y a-t-il l’idée que l’homme est un être bizarre, aveugle sur lui-même et les autres (X-27 est-elle veuve, patriote, espionne, amoureuse ? Peut-être tout cela à la fois), mais qui ne trouve sa vérité qu’au moment de la mort : et quelle mort ! Elle se coiffe en se regardant dans l’épée d’un officier, refuse le bandeau avec lequel elle essuie les larmes de son bourreau, se remet du rouge à lèvres pendant un sursis et sourit face aux fusils. Une icône.
Alors bien sûr on pourra pinailler sur le jeu crispé de Victor McLaglen, l’abus de surimpressions, mais X-27 est une expérience rare, un modèle de ce que ce cinéaste « iconoclaste » selon Scorsese portait au sommet.
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