Le 23 mars 2024
- Réalisateur : Ronan Tronchot
- Distributeur : KMBO
À l’occasion de la sortie nationale de son premier long-métrage Paternel, le mercredi 27 mars 2024, le réalisateur Ronan Tronchot a eu l’immense gentillesse de répondre à nos questions.
aVoir-aLire : Renan Tronchot, bonjour. Merci d’accorder une interview avoir-alire.com à l’occasion de la sortie de votre film Paternel, le 27 mars 2024, de mémoire ?
Ronan Tronchot : Tout à fait.
aVoir-aLire : Paternel et votre premier long métrage : de la genèse au résultat final, cela a été un sacré défi ?
Ronan Tronchot : Oui, c’est un défi. Je pense que tout les premiers long-métrages et les suivants aussi sont toujours des défis. C’est toujours des aventures à long terme, puisque c’est un film qu’on a commencé à écrire avec Ludovic du Clary, coscénariste du film, en 2017. C’est cette année-là que notre rencontre a eu lieu et qu’on a commencé à avoir cette idée. À savoir le quotidien d’un prêtre et surtout un prêtre qui découvre qu’il a un enfant, né avant sa vie de prêtre. Ce qui va soulever beaucoup de questions en lui sur sa vocation et interroge sur le fonctionnement de l’Église en général. Nous, on connaissait un peu la religion catholique puisqu’on vient de là, nous avons grandi dans la religion catholique. On avait tout de même beaucoup de recherches à faire. C’est la première chose qu’on a fait. Des recherches liées à la lecture, que ce soit des ouvrages, des articles de presse, ou encore des témoignages dans la presse. On a également vu des films pour voir si ce sujet a déjà été traité au cinéma et bien sûr on a rencontré des prêtres. On avait cette volonté de faire un film très réaliste, qui s’éloigne des clichés, des caricatures. Et à partir du moment où on a ce désir là, ça nécessite forcément un travail de terrain, un travail documentaire qui est passionnant d’ailleurs parce que nous, d’un point de vue personnel, on a appris beaucoup de choses. Tout cela prend du temps mais est nécessaire et très agréable. Et puis après, il faut le mettre en production. Le Covid et la pandémie dans son ensemble ont joué en notre défaveur pour avancer comme nous l’aurions souhaité. Nous, on avait notre objectif, il était clair pour nous, c’était montrer un prêtre qu’on ne voit pas, qu’on n’entend pas, en tout cas, dans les médias, mais un prêtre qui fait tout simplement son travail, en fait, et le fait bien comme tant d’autres. Et du coup, c’est qu’on s’est dit, voilà, faisons un film qui soit positif, loin des scandales de pédophilie qui sortaient à l’époque.
aVoir-aLire : Vous pouvez nous développer vos intentions de réalisateur ? Quels sont le message et le fil conducteur du film ?
Ronan Tronchot : C’est vraiment une ouverture, c’est le libre arbitre. Le prêtre est face à un choix. L’acceptation de sa paternité et l’accueil auraient pu être aussi un rejet. Nous, on a fait le choix, justement, du positif, en fait, et c’est ce qu’on voulait. J’ai dit un message positif par rapport à la tutelle de l’Église, parce que ce qu’on montre aussi, c’est la réponse de l’Église face à pareille situation. Mais voilà, on essaie de le faire en nuance, d’aller chercher pourquoi, d’aller trouver les arguments de chaque côté, et d’essayer de savoir comment avancer.
aVoir-aLire : Le casting a-t-il été une évidence ou le résultat d’une longue quête ?
Ronan Tronchot : Pour Grégory Gadebois comme prêtre, oui. C’était un acteur que, bien sûr, j’avais plus de plusieurs fois au cinéma. Je trouvais qu’il avait ce truc très naturel et je l’avais imaginé parfaitement en prêtre, parce que cela évoquait aussi moi des prêtres que j’ai pu croisés. Il avait ce truc évident chez lui parce qu’il arrive à avoir plusieurs facettes : c’est quelqu’un qui paraît très doux, très rassurant, et en même temps, c’est quelqu’un qui est en impose, est massif, sait faire preuve d’autorité. Autre évidence : à travers le personnage d’Amin, joué par Lyes Salem, faire découvrir aussi au spectateur, un prêtre algérien. Donc voilà, une forme de régionalité avec une volonté d’ouverture. Amin est très direct, franc, humain : en fait, il fallait construire ce duo de prêtres. Ils sont tous deux prêtres mais aussi colocs voire encore plus amis. Ils se complètent. Quant à Aloé (Anton Alluin), c’est un enfant qui pose les questions, les questions qu’un peu tout le monde se pose, parfois un peu naïvement, quand on ne connaît pas telle ou telle chose. Par le regard de cet enfant, par l’interrogation de cet enfant, on amène, finalement, des questions qui sont complexes. Le personnage qui nous a donné le plus de difficultés au scénario, c’est celui de Louise, incarnée par Géraldine Nakache. C’est quelqu’un qui a un moment à dû faire un choix, quand elle a appris quel été enceinte, celui de ne pas le dire. Elle a un trajet qui était assez dur à trouver. mais était aussi important pour nous. En effet, il met le film aussi vraiment dans son époque. C’est une femme qui est en dépression, une mère célibataire qui doit jongler entre son travail et son enfant, etc. Louise est aussi riche de contrastes : elle est énergique et a une forte carapace.
aVoir-aLire : Vous pouvez nous parler de votre direction d’acteurs ? Respect sacralisé du scénario ou libertés permises ?
Ronan Tronchot : Grégory, c’est quelqu’un qui n’est pas à l’aise avec l’improvisation, qui est très très attaché au texte. Il y a des dialogues qui sont, notamment, dans tout ce qui est rituel où il est très important de coller à la phrase. Généralement, les acteurs et actrices collent beaucoup au travail rédactionnel. C’est pour cela aussi que j’ai pris un enfant qui avait déjà l’expérience du tournage, des plateaux, du jeu, pour pas mettre aussi Grégory en défaut.
aVoir-aLire : Pourquoi le choix de la ville d’Auxerre en Bourgogne comme lieu de tournage ?
Renan Tronchot : En fait, on cherchait une ville de taille moyenne par rapport à l’histoire, par rapport à la taille de la paroisse dans l’histoire. Et puis, on a eu l’aide de la région Bourgogne-Franche-Comté. Personnellement, j’avais déjà tourné un court-métrage à Auxerre en 2014.
aVoir-aLire : Pour vous, être le père de ses fidèles et le papa d’un enfant sont compatibles ?
En tout cas, nous, c’est vrai qu’on a voulu montrer que c’est tout à fait possible. Voilà, dans les autres religions, c’est possible. On arrive toujours à trouver des solutions quand on les cherche. Et nous, c’est ce qu’on voulait montrer : il y en a qui cherchent les solutions pour avancer. Et puis, enfin, on peut avoir des personnes qui ont peur d’avancer, tout un pan de l’Église qui a peur de perdre ses fondamentaux.
On souhaite conserver une forme de pouvoir, une forme d’emprise qui fait que, à un moment, cette volonté de contrôle est un risque d’éloignement vis-à-vis des fidèles. Il y a alors comme un mur entre l’institution et la société.
aVoir-aLire : vous évoquez l’IVG dans Paternel avec beaucoup de pudeur et d’émotion. Que pensez-vous de ce sujet d’actualité ?
Ronan Tronchot : On avait à cœur d’aborder l’IVG. La femme enceinte a le choix. Donc on voulait le montrer. Cette adolescente qui fait son choix, malgré son éducation et toute la culpabilité liée à une éducation catholique très traditionnelle, s’écoute elle-même finalement. Elle ne veut pas garder l’enfant. Elle choisit d’avorter. On se sent proche d’elle. Simon aussi grandit et d’ailleurs, on fait un trajet du prêtre vers l’homme aussi par rapport à sa réponse vis-à-vis de l’IVG. Il a fallu vraiment être dans la dentelle sur les dialogues. Chez beaucoup de femmes, il y a un sentiment d’abandon. L’Église ne conseille jamais d’avorter. C’est la réponse officielle.
aVoir-aLire : Nous vous remercions pour ce moment de partage autour du film Paternel qui nous l’espérons connaîtra un franc succès dans les salles.
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