La science des rêves
Le 4 avril 2025
Un élixir sublime d’une puissance onirique indiscutable.


- Réalisateur : Satoshi Kon
- Genre : Animation, Manga
- Nationalité : Japonais
- Distributeur : Park Circus France
- Durée : 1h30mn
- Reprise: 16 avril 2025
- Date de sortie : 6 décembre 2006

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Résumé : Une jeune femme détective enquête sur des affaires criminelles. Pour résoudre celles-ci, elle pénètre les rêves de ses suspects.
Critique : Dès les premières images, inquiétantes, un homme est emmené dans un univers où ses obsessions oniriques et ses angoisses secrètes se conjuguent pour former une étrange sarabande sardanapalesque. À partir de cet instant, il est impossible de quitter les yeux de l’écran. Satoshi Kon, exception sacrée dans le monde fermé de la "japanimation", signe, avec son style unique d’esthétisme barré et de références cinéphiles, un film d’animation aux portes de la quatrième dimension, où le spectateur peut retrouver à travers un dédale méandreux d’images fortes ses propres inquiétudes dues aux ultramodernes solitudes. On peut le trouver très proche de Perfect Blue, film de commande magnifié par Satoshi Kon, qui avec le recul ressemble à une préparation du terrain Paprika. Pour la première fois, il a recours à la 3D pour animer ses personnages. Pour la dernière fois, il examine la dichotomie entre le rêve et la réalité. Dans le même film, l’évolution formelle est un moyen de clore une thématique de manière définitive (Satoshi Kon souhaiterait par la suite faire des films étranges pour les enfants).
Dans Paprika, opus à deux voies (évolution formelle et fin d’un cycle), les rêves sont représentés de manière littérale afin que le spectateur se fonde dans les nombreux degrés de lecture sans les particularités culturelles qui peuvent rendre un film difficile à comprendre en dehors de leur pays d’origine. À un moment, on voit Paprika en groom d’ascenseur offrant la possibilité au même personnage de s’arrêter à différents étages, chacun représentant un genre filmique. La présence de l’art, comme élément indispensable pour rendre le réel supportable, est amplifiée par des effets surprenants comme lorsque Paprika se fond dans un tableau et revisite des mythes imaginaires : elle devient le sphinx d’Œdipe pour finir en sirène. Les mutations suivent la logique capricieuse des songes comme les personnalités cachées de monsieur-tout-le-monde. Le message est clair : Internet et les rêves sont aujourd’hui les seuls moyens pour les personnes de satisfaire leur part de refoulé. Mais il sourd l’espoir comme le doute dans ce discours : le film souligne l’échec de la science à révéler toutes les complexités de l’être humain en même temps qu’il nous invite à garder un œil vigilant sur les manipulations qui nous entourent. On peut considérer Paprika comme une réflexion métaphysique et vertigineuse sur le cinéma comme moyen de conjurer les angoisses existentielles, mais on doit surtout y voir une fresque hallucinatoire, hantée par Kafka, Gilliam et Lynch, dont une simple vision ne peut suffire à épuiser toutes les beautés.