Les trois (ex) soupirants
Le 16 juillet 2018
Reprise en version restaurée de la superbe variation en couleur de Printemps tardif. On y retrouve l’humour, la fausse décontraction, l’émotion et cette respiration si particulière, à la fois apaisée et en alerte, qui font le prix du cinéma d’Ozu.
- Réalisateur : Yasujirō Ozu
- Acteurs : Mariko Okada, Chishū Ryū, Setsuko Hara, Keiji Sada, Shima Iwashita, Fumio Watanabe, Kuniko Miyake, Shin Saburi, Sadako Sawamura, Yōko Tsukasa, Nobuo Nakamura, Miyuki Kuwano, Ryuji Kita, Shinichirô Mikami , Ayako Senno, Toyo Takahashi
- Genre : Comédie dramatique
- Nationalité : Japonais
- Distributeur : Carlotta Films
- Durée : 2h08mn
- Reprise: 1er août 2018
- Box-office : 67 377 entrées entrées France
- Titre original : Akibiyori / 秋日和
- Date de sortie : 28 novembre 1979
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– Reprise en version restaurée : 1er août 2018
– Sortie Japon : 13 novembre 1960
– Reprise au cinéma le 30 avril 2014 en version restaurée inédite
à l’occasion de la rétrospective Ozu à la Cinémathèque Française.
– Production : Shochiku Studio
Ofuna
L’argument : Trois vieux amis, Taguchi, Mamiya et Hirayama, se réunissent lors d’une cérémonie en mémoire à leur ami Miwa, décédé il y a quelques années. Ils y retrouvent Akiko, la veuve du défunt dont ils étaient tous amoureux dans leur jeunesse, et sa fille, la jolie Ayako, en âge de se marier. Mamiya tente d’organiser une rencontre entre celle-ci et l’un des ses employés. Mais Ayako n’est pas pressée de trouver un mari, craignant de laisser sa mère toute seule. Les trois amis aidés de Yukiko, amie et collègue de la jeune fille, vont tenter de la convaincre…
Notre avis : En 1949, dans Banshûn / Printemps tardif, Ozu et son scénariste Kogo Noda confiaient à Chishū Ryū le rôle d’un père veuf qui arrivait à pousser au mariage sa fille récalcitrante en laissant entendre qu’il songeait lui-même à se remarier.
- Akibiyori © 1960 / 2013 Shochiku Co., Ltd.
Onze ans plus tard, ils reprennent cet argument mais en le modifiant quelque peu puisque, dans Akibiyori / Fin d’automne, c’est une veuve nullement encline à se remarier qui laisse elle aussi planer le doute un moment pour que sa fille se décide à franchir le pas décisif.
Cette intrigue principale, qui doit occuper tout au plus un tiers du film, est traitée avec une simplicité, une franchise récusant toute sensiblerie et prenant soin de ne jamais brouiller la perception. L’émotion qu’elle parvient à susciter est donc d’autant plus forte qu’elle reste très contrôlée. Elle doit beaucoup aux deux magnifiques actrices que sont Yoko Tsukasa, touchante de droiture fragile, et la radieuse, l’immense Setsuko Hara, qui du rôle de la fille dans Printemps tardif passe ici à celui de la mère.
- Yoko Tsukasa dans Akibiyori (Fin d’automne - Ozu 1960)
- Akibiyori © 1960 / 2013 Shochiku Co., Ltd.
Mais dans le cinéma d’Ozu la distinction entre rôle principal et secondaire est peu pertinente et bien d’autres personnages existent à part entière dans cet univers où les rituels sociaux occupent une si grande place (la cérémonie commémorative du début, le mariage, mais aussi les visites de courtoisie ou les réunions arrosées dans les bars) et où le spectateur lui-même se sent bientôt chez lui au milieu de visages devenus immédiatement familiers.
Ces visages, il a d’ailleurs pu les croiser dans d’autres films, la troupe étant ici presque au complet.
Certains se contentent de deux ou trois apparitions, comme Chishū Ryū en frère du mari défunt ou Toyo Takahashi en patronne d’auberge, ou encore les épouses (Kuniko Miyake, Sadako Sawamura), les enfants, les collègues qui ne manquent pas d’observer et de commenter ce qui se passe.
D’autres occupent le devant de la scène, à commencer par le trio des anciens soupirants éconduits qui ne sont autres, à l’évidence, que les étudiants turbulents de Où sont nos rêves de jeunesse (1932).
- Ryuji Kita, Nobuo Nakamura et Shin Saburi dans Akibiyori (Fin d’automne - Ozu 1960)
- (C) Shochiku Co., LTD Tous Droits Réservés
Trente ans après, l’âge et la position sociale acquise ne semblent pas les avoir fait vraiment mûrir et Ozu retrouve avec eux le ton de la franche comédie, notamment avec le gag des pipes du défunt que deux d’entre eux arrivent à se faire offrir et avec lesquelles il narguent le troisième, ou la scène très drôle où une jeune femme déterminée (la malicieuse Mariko Okada) leur passe un savon musclé.
- Akibiyori © 1960 / 2013 Shochiku Co., Ltd.
Cet humour, omniprésent mais pas envahissant, est, tout comme le drame qui affleure, tenu par une forme incisive, à base de cadrages affirmés et de raccords acrobatiques, et tempéré par les innombrables plans d’oreillers qui donnent au cinéma d’Ozu sa respiration si particulière, à la fois apaisée et en alerte.
La précision millimétrée débouche ici, comme dans tous les derniers films (à partir de Higanbana / Fleurs d’équinoxe, sur une forme de détente, de décontraction affichée, soulignée par la petite musique pimpante, à la Tati, de Kojun Satio, la photo signée Yuharu
Atsuta déployant les couleurs d’un monde dont jamais on n’oublie le caractère transitoire mais dont l’agitation (voir les scènes de la station thermale) est un spectacle enchanteur dont on ne se lasse pas.
- Setsuko Hara dans Akibiyori (Fin d’automne - Ozu 1960)
- (C) Shochiku Co., LTD Tous Droits Réservés
Troisième des films d’Ozu à bénéficier, en 1979, d’une sortie (tardive) en France après le succès de Voyage à Tokyo et du Goût du saké, Akibiyori / Fin d’automne a été régulièrement projeté depuis, faisant l’objet aussi d’éditions VHS et DVD, mais la reprise en salles à l’occasion de la rétrospective Ozu à la Cinémathèque française est plus que bienvenue, d’autant plus que Carlotta annonce une version restaurée inédite qui devrait rendre à la photo de Yuharu Atsuta une splendeur que les éditions précédentes ne restituaient que partiellement.*
- Akibiyori © 1960 / 2013 Shochiku Co., Ltd.
Crédits photo : Akibiyori © 1960 / 2013 Shochiku Co., Ltd.
*On ne manquera pas non plus le très enlevé Ohayo / Bonjour (1959), déjà sorti en 1999. Reprenant certains motifs de Umaretewa mitakaredo / Gosses de Tokyo (1932), il est centré sur deux gamins qui, fâchés que leurs parents refusent d’acheter une télé, décident de ne plus dire un mot et ainsi tourner en dérision les adultes qui parlent sans cesse pour ne rien dire (Bonjour, Il fait beau , et ainsi de suite).
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