Elégance

Louise s’habille comme un sac, se ratatine devant sa belle-mère, ancien mannequin, superbe, et s’étiole, mal mariée avec un homme sans doute charmant, mais encore indécis quant à son orientation sexuelle. C’est ce qu’on peut appeler une bonne fille. Faire-valoir des copines fashion, obéissante et conciliante, toujours prête à compatir, consoler, rendre service, elle a le vernis social couleur des murs. Elle se rend docilement, chaque semaine, chez la psy que lui a choisie son tendre époux, robuste Teutonne toute en jupes plissées et poils aux pattes. Et puis un jour, le destin lui fait de l’œil sur une étagère de bouquiniste : Les voies de l’élégance par Geneviève Antoine-Dariaux. Electrochoc ! Là où Freud était en train d’échouer, la reine du bon ton va triompher ! Louise redresse la tête, remet ses pieds à 10h10, jette ses Clarks et s’entraîne au maniement du bâton de rouge.

Tout le talent de Kathleen Tessaro est concentré dans ce subtil glissement qui nous fait passer des états d’âme d’une énième trentenaire mal dans sa peau à toutes les ramifications qui, à partir d’une métamorphose, déstabilisent l’entourage tout entier. Vingt-six chapitres, comme les lettres de l’alphabet, vont écrire la transformation de Louise et de son entourage, ses hésitations, ses rechutes, ses regrets et ses certitudes. Louise va ouvrir les yeux sur les autres et sur elle-même, apprendre à ne plus s’oublier, à exister, et à se détacher, finalement, de la rigueur des préceptes de Mme Antoine-Dariaux, pour les faire siens, les adapter, les intérioriser, et les transformer en repère bienveillant, dans un petit coin de sa tête, pour l’aider à affronter la vie.