Le 23 janvier 2018
- Festival : Les Oscars 2018
Le politiquement correct a-t-il encore frappé ? Retour sur les gagnants des nominations pour les Oscars 2018, les perdants, également, et analyse du consensus qui s’imposait comme une évidence.
Avec une fréquentation des salles étasuniennes qui baisse toujours plus, et un nombre toujours plus réduit de productions qui trouvent le chemin de multiplexes dominés par les blockbusters hebdomadaires, il n’est pas forcément évident de remplir les critères pour être nommé aux bonnes places des Oscars.
Exit les flops au box-office, même si les critiques les ont adorés (on reparle de l’absence de Villeneuve et de son Blade Runner 2049, ou de James Gray, The Lost City of Z ?). Il faut être un succès patenté. Avec des débats légitimes sur l’absence de représentation féminine et ethnique lors des précédentes éditions, il faut de surcroît éviter les polémiques inutiles en se défaussant des mauvaises cartes qui, il y a quelques semaines, figuraient encore parmi les favoris : James Franco, gagnant d’un Golden Globe en tant que meilleur acteur pour son rôle dans The Disaster Artist, a été d’office exclu de par ses écarts de conduite dénoncés par des jeunes femmes sur les réseaux sociaux, le lendemain des résultats.
Les Oscars ne sont pas le lieu des extravagances artistiques que l’on laissera volontiers à Sundance ou au manifestations plus underground. The Florida Project se contente dans ce cas d’un second rôle pour Willem Dafoe qui n’a jamais obtenu de statuettes. C’est sa 3e nomination dans cette catégorie, 31 ans après Platoon.
Il faut donc également écarter les films d’auteur trop pointus, pour caresser dans le sens du poil les belles œuvres (Phantom Thread, Les Heures sombres) que jadis Harvey Weinstein produisait en série. Oui, "the" gros porc, the real one, celui de #Balancetonporc, a fait les Oscars pendant des années, mais en 2018, et on n’en s’en plaindra pas, le voici conspué après des décades d’hypocrisie de la part du microcosme hollywoodien qui se réveille enfin ! La victime filmique de ses scandales sexuels inacceptables s’appelle Wind River, annihilé par l’affaire monstrueuse. Le film cannois de Taylor Sheridan était produit par la boîte de Weinstein.
Aussi, le cru 2018 est cocasse dans sa volonté de ne heurter personne. Deux films de genre, le superbe La forme de l’eau et l’efficace Get Out se retrouvent nommés en haut du panier. Le premier est signé d’un réalisateur qualifié, Guillermo del Toro, et a connu les vertiges de Venise, d’où il est reparti gagnant. Le second est une pure production Jason Blum, petit budget, scénario surprenant. Sa présence en qualité de Meilleur film, Meilleur acteur, ou Meilleur réalisateur, est intéressante, même si évidemment d’autres films pouvaient prétendre à ces nominations. L’acteur principal avait le jeu juste de beaucoup d’acteurs de ce type de production, ni plus ni moins. Un an auparavant, le talent exceptionnel de James McAvoy dans la production Blumhouse Split, pourtant également un très gros succès, n’avait pas été reconnu.
Lady Bird, un bijou, dans l’esprit décalé de Greta Gerwig, actrice allénienne 100% indie, ne mérite probablement pas l’honneur de la Meilleure réalisation, alors que sa force réside surtout dans l’interprétation de Saoirse Ronan et l’incroyable écriture de Gerwig dont la première réalisation honnête n’est pas le fort du film. Entre-t-elle dans le consensus exigé par Natalie Portman, surprise de ne voir que des hommes nommés aux Golden Globes pour leur réalisation ? Peut-être, mais la vraie question que l’on est en droit de se poser, n’est-elle pas davantage sur le manque de productions réalisées par des femmes plutôt que sur leur peu de nominations ?
La non-nomination de Spielberg pour The Pentagon Papers est objectivement impardonnable ; idem pour Kathryn Bigelow, femme méritante pour Detroit, mais mise sur la sellette en raison du four commercial de son film sur les émeutes raciales en 1967, dans la ville du Michigan, et peut-être aussi en raison de la polémique sur sa couleur de peau. Certains ont reproché à son coup de poing cinématographique de ne pas avoir su parler à la communauté noire car réalisé par une réalisatrice mainstream de couleur blanche (voir Variety). On tourne en rond.
De surcroît, Bigelow et Spielberg sont-ils trop commerciaux pour 2018 ? Ont-ils reçu trop d’honneurs dans le passé ? Cela n’empêche pas Meryl Streep, sublime dans The Pentagon Papers, d’arracher une 21e nomination...
En revanche, l’on se félicitera de la présence de Christopher Nolan dans la catégorie du Meilleur Réalisateur. Fin du snobisme à son égard, le réalisateur britannique, considéré par tous comme un prodige capable de plaire au public comme au grand public, n’avait pas été nommé pour Inception ou Dark Knight. Et pourtant, s’il y a bien un génie du cinéma total, c’est bien lui. Villeneuve, absent du listing 2018, avait pourtant été nommé avec Premier Contact en 2017...
Dans ce flot de nominations, on pourra se faire la remarque que les meilleures propositions cinématographiques sont souvent étrangères :Visages, Villages de Varda et Jr. (nominé au documentaire), les Cannois Faute d’amour de Andrey Zvyagintsev (Russie), The Square de Ruben Östlund (Scandinavie). On trouve aussi des films diffusés à Venise (L’insulte, film libanais) ou à Berlin, avec le Hongrois Corps et Âme de Ildikó Enyedi.
Evidemment, nous savions que 120 battements par minute avait été écarté, malgré l’accueil triomphal à Cannes, et des critiques solides... Le public américain ne lui a prêté aucune attention lors de sa sortie confidentielle, alors que la thématique gay prend de plus en plus de valeur sur le grand écran : Moonlight, l’an dernier, était l’un des grands gagnants de la cérémonie ; c’est au tout de Call me by your name, cette année, d’être nominé. Le film fleuve vaut même au jeunot Timothée Chalamet, d’être présent dans la liste des Meilleurs acteurs. On croise d’ailleurs le jeune comédien en tête à claques dans Lady Bird.
En résumé, La Forme de l’eau décroche 13 nominations.
Dunkerque convoite huit prix.
3 billboards 7.
L’on pleure les deux nominations de The Pentagon Papers, seulement.
25 nominations pour la Twentieth Century Fox qui, quoi qu’il arrive, sera le grand gagnant des Oscars 2018. Une revanche pour le studio récemment racheté par l’Empire Disney, qui était arrivé en 4e place des recettes annuelles aux USA, derrière Disney, Warner et Universal.
Quant à nous, l’on n’est ni déçu, ni satisfait des nominations 2018. Dans le manque de surprise réside une légère amertume coutumière. C’est un peu chaque année la même chose.
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