Le 9 décembre 2015
- Scénariste : Ant Sang>
- Dessinateur : Ant Sang
- Genre : Roman graphique
- Editeur : Presque Lune
- Date de sortie : 1er septembre 2015
Dharma Punks T1 est l’étrange cheminement d’un jeune homme lors d’une nuit mouvementée !
Résumé :
Nouvelle-Zélande, Auckland pour être plus précis. Nous sommes en 1994 et Baguette, jeune guitariste d’un groupe punk aux tendances anarchistes, se retrouve impliqué dans la préparation d’un attentat. Il est même plus qu’impliqué puisqu’il est chargé d’aller déposer en pleine nuit la fatidique bombe dans un fast food de l’enseigne « Bobo » qui doit voler en éclat le samedi suivant... Mais les événements vont avoir une drôle d’influence sur cette nuit. Les événements ? Peut-être le destin, le karma, le hasard ou simplement la volonté d’un jeune homme qui rêve d’une vie différente, et qui va enfin aller la chercher...
Notre avis :
Nous vous l’annonçons tout de suite : ce premier tome, malgré ses deux cent pages, vous laissera sur votre faim puisque l’histoire s’achèvera dans le tome deux prévu pour Janvier – ouf, c’est pour bientôt -.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, Dharma Punks n’est pas une course contre la montre, un thriller haletant avec une bombe qui menace d’exploser. Il ne s’agit pas non plus d’une BD coup de poing, un choc inoubliable qui va révolutionner le monde du neuvième art. C’est beaucoup plus simple que ça. Dharma Punks est un parcours. En tout cas, c’est ce que nous avons ressenti à la lecture de ce premier tome.
Un parcours qui sait jouer avec le temps. En effet, bien que l’action soit ténu avec une tension imposée par des horaires précis – le timing pour poser la bombe – l’histoire explose sur plusieurs temporalités. La nuit de la bombe, mais aussi des moments situés dans le passé de cette nuit, ainsi qu’un autre situé dans le futur de cette nuit. L’histoire semble être relatée par Baguette, le héros d’origine Chinoise, assis tranquillement dans un bar. Il va et vient entre différents moments autour de cette nuit. Rien que ces sauts temporels, amenés par les situations de l’escapade nocturne, freine le déroulé de l’action. De plus, lors de son parcours, Baguette va rencontrer une personne qui va radicalement changer le cours de sa vie. En tout cas, pour l’instant...
Dharma Punks nous rappelle jusqu’où des jeunes dépourvus de repères, avides de changement, peuvent aller. Une figure charismatique ou bien un homme inspirant la terreur au point qu’on ne lui refuse rien, même l’insensé, même l’attentat et voilà le groupe de rock punk Filth embarqué dans une attaque à la bombe !
Baguette, contrairement à ce que l’on peut voir souvent dans ce genre de situations, n’est pas un jeune crétin qui gobe tout, ni non plus un jeune perdu qui va se réveiller héros – enfin, attendons le tome deux pour trancher sur ce point – c’est juste un homme conscient des limites du monde, bouddhiste engagé dans la méditation, qui ne trouve plus sa place sur cette terre. Du coup, il s’engage dans la philosophie du grand Bouddha non par conviction, mais parce qu’il pense couper définitivement ses liens avec le rien qu’il possède.
C’est là toute la finesse de cette BD. Ces jeunes n’ont rien, à part des rêves, mais ils se souhaitent rien. Jamais l’histoire ne montre ces riches couples qui errent en ville et qu’on envie en voyant leur breloques dorées battre à leur bras. Tout se passe dans des quartiers perdus d’Auckland, dont ce cimetière abandonné, sous un pont, qui donne des envies de suicide à ceux qui passent.
N’ayant rien, n’ayant envie de rien, à part de changement, Baguette et ses amis errent, chacun à sa manière, le bouddhisme pour Baguette, l’anarchisme extrême pour Tracy, et même le nihilisme existentiel pour Brian. Ces jeunes ont l’âge où on se trouve une philosophie qui explique le monde entier, et où on s’y accroche avant d’en découvrir les failles, des années après !
Finalement, tous sont frappés d’une peur à peine cachée, ou parfois profondément enfouie chez certains : La peur du vide. Et Ant Sang l’illustre parfaitement avec ce pont, passage onirique entre le monde des vivants et le monde des morts. Le fait même qu’ils errent les uns les autres, se rencontrant, s’observant, s’épiant dans le cimetière abandonné sous le pont nous rappelle qu’ils sont à la frontière entre ces deux mondes. Au cours de l’histoire, on se demande si certaines rencontres sont bien réelles, tant les échanges flirtent avec l’irréel. Comme si Baguette rencontrait une sorte d’émanation de lui-même, qui le pousse à faire ce qu’il n’ose pas s’avouer avoir envie de faire lui-même.
Baguette est un personnage attachant, ira-t-il poser cette bombe ? La question devient secondaire. Survivra-t-il à cette nuit, vu les autres problèmes qu’il se crée ? Question secondaire aussi.
Finalement, la vraie question qu’on finit par se poser est : y aura-t-il un jour au bout de cette nuit ? Et une deuxième non négligeable : pour qui le soleil ne se lèvera pas...
Graphiquement, Ant Sang – hé oui, il écrit l’histoire et la dessine – a opté pour un noir et blanc fort approprié. Jeu de contraste, tout comme ce que nous raconte cette BD. Baguette oscille entre ombre et lumière, la lumière qu’il ne cherche pas vraiment, l’ombre qui l’entoure sans forcément qu’il s’en rende compte. Le dessin est trop tranché pour être réaliste. Mais il est trop dur pour être uniquement caricatural. Les visages sont expressifs, les yeux pleins de vie, de peur, d’incompréhension, d’inquiétude. Le seul reproche que nous pourrions faire est cette similitude qui hante les visages. Similitude dans la forme et la taille des yeux, des nez, des bouches. On repense aux masques étranges de l’artiste Zheng Fanzhi, qui a commencé à peindre cette série en... 1994 !
Deux artistes d’origine Chinoise, la même année, exprime visuellement quelque chose d’une manière proche. Curieux...
Mais pour revenir à Ant Sang, ses visages sont aussi très humains. Pas laids, mais pas beau non plus. Des hommes et des femmes passe-partout, comme le monde en regorge. Et c’est peut-être là l’essence du choix de l’auteur. Mais nous ne parlerons pas pour lui...
Autour des personnages, des décors urbains ou naturels pas toujours à l’image mais pourtant bien présents. Tout est abîmé chez Ant Sagn, dans ce Auckland qu’il nous dépeint, les murs s’écaillent, les affiches se décollent, les herbes se piétinent, le métal est marqué, la lumière n’éclaire pas tout.
Avec des lignes non droites, des traits bien répartis, le noir et blanc suffit amplement à faire passer tout cela.
Le découpage est assez simple. Une à trois bandes de une à trois cases. Ces simples variations suffisent à donner de l’espace à la nuit, aux ombres, aux angoisses, ou bien à serrer sur les discussions, les échanges, les regards. Le découpage simple rejoint la simplicité du noir et blanc. Mais nous savons tous que faire simple n’est pas chose facile. Il y a du travail pour arriver à cette simplicité apparente.
Le cadrage opte pour une particularité, on retrouve beaucoup de plans serrés et pas que sur les visages, mais aussi sur les poignées de main, clés, téléphone, chaussures, réverbère... mais surtout des plans pris de haut, à la verticale. Il ne s’agit pas de plongée, ou alors de plongée maximum. De celles qu’on obtient en se tenant loin au-dessus de son sujet. Tout d’un coup, dans le récit, ce saut en hauteur nous sort un temps de l’action, pour nous y replonger ensuite. Pourquoi à ce moment-là ? Pourquoi cet endroit-là ? Ce sera à vous de voir !
L’introduction de Elisabeth Knox et la préface de Dylan Horrocks vous donneront encore une autre vision de cette BD. Nous vous recommandons de ne pas les lire tout de suite. Mais de savourer ce premier tome, de vous faire votre vision de l’histoire de Ant Sang et d’aller ensuite découvrir la leur.
Alors, prenez place à côté de Baguette et venez rencontrer Brian, Tracy, SideCar et les autres, acceptez de lâcher prise pour faire en leur compagnie ce voyage vers le bout de la nuit...
Zéda rencontre Baguette...
214p - 22€
Galerie Photos
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