Hypnose
Le 4 août 2021
Une œuvre sensorielle entraînant le spectateur dans un cauchemar cinématographique dont il est difficile de sortir indemne.
- Réalisateur : Kiyoshi Kurosawa
- Acteurs : Kōji Yakusho, Masato Hagiwara, Tsuyoshi Ujiki , Anna Nakagawa, Yoriko Dōguchi
- Genre : Policier / Polar / Film noir / Thriller / Film de gangsters, Fantastique, Thriller, Épouvante-horreur
- Nationalité : Japonais
- Distributeur : MK2 Distribution
- Editeur vidéo : Carlotta Films, MK2 Video
- Durée : 1h55mn
- Titre original : Kyua
- Date de sortie : 10 novembre 1999
– Année de production : 1997
Résumé : Un officier de police, Takabe, enquête sur une série de meurtres dont les victimes sont retrouvées avec une croix gravée dans le cou. Un jour, un jeune vagabond est arrêté près de l’endroit ou a été retrouvé le dernier corps. Il est vite identifié comme un ancien étudiant en psychologie, devenu fou et ayant d’inquiétants pouvoirs hypnotiques, lui permettant de pousser des gens à commettre des actes criminels.
Critique : Kiyoshi Kurosawa, qui a débuté sa carrière à la fin des années 1970 avec des séries B très confidentielles, acquiert enfin une reconnaissance internationale grâce à la projection de Cure au Festival International du Film de Tokyo, en 1997. Un succès qui permit à ses longs métrages suivants (License to Live, Charisma, Kaïro ou encore Jellyfish) d’être sélectionnés dans les plus grands festivals européens et de se faire une solide réputation auprès des critiques.
Film essentiel pour comprendre l’œuvre du metteur en scène, Cure pose les bases du cinéma fantastique et social nippon, celui-ci aimant détourner les codes du genre, afin de réaliser un dialogue sous-jacent sur l’évolution de son pays. Ce long-métrage est incroyablement cohérent au niveau du fond et de la forme, le cinéaste y développant l’une de ses principales thématiques : l’ordre établi déstabilisé par un élément étranger (l’un des thèmes classiques du cinéma fantastique). Il en ressort une idée de contamination du « normal » par « l’anormal », soulignant les propos désenchantés du réalisateur sur sa société. Cette dernière est représentée par le biais de l’institution policière (l’inspecteur Takabe), qui est l’exemple type d’un ordre fortement structuré et rigide. Le jeune hypnotiseur est alors le remède qui veut démonter et détruire les rouages d’un pays aliénant pour l’individu.
- © 2021, La Boutique Carlotta Films
On est proche de Théorème de Pier Paolo Pasolini, dans lequel un homme entraîne le désordre dans une bourgeoisie décadente. Cette référence montre l’impact du cinéma italien de la modernité sur l’œuvre de Kiyoshi Kurosawa, au même titre que la série B américaine des années 1950 à 1980.
Pour souligner son propos, le Japonais réalise un film sensoriel qui joue avec toutes les possibilités du cinéma, afin de rendre le spectateur actif. Il utilise une bande-son hypnotique, à la consonance industrielle, métaphorisant une société mécanique. Cela n’est pas sans rappeler l’environnement sonore du Désert rouge de Michelangelo Antonioni, qui présente l’envers du miracle économique italien des années 1960, comme Kurosawa montre celui de la réussite de son pays. L’utilisation du hors-champ est également impressionnante : les apparitions ne cessent d’entrer et de disparaître soudainement du cadre afin de provoquer le doute. Il s’agit d’un cinéma de l’entraperçu, la peur provenant de la suggestion, comme dans les œuvres fantastiques de Jacques Tourneur (La féline par exemple.) Le cinéaste aime aussi dessiner des cadres dans le cadre, ce qui symbolise avec force l’enfermement et l’aliénation des protagonistes. Cette figure signifie surtout que, derrière les apparences, reste enfouie une pulsion qui ne demande qu’à être extériorisée. Fascinant par son charme vénéneux et sa cohérence, Cure est certainement l’une des œuvres les plus marquantes de son auteur.
LE TEST DVD
- © 2021, La Boutique Carlotta Films
Les suppléments
Le Jouet du démon (22 minutes - HD) :
Ce titre nous invite à une interview de Stéphane du Mesnildot, essayiste, spécialiste du cinéma asiatique. Cure (1999) a été un choc sans précédent au Japon, s’inscrivant dans le courant de thrillers comme Le Silence des agneaux ou Seven. L’hypnose est l’arme du tueur qui parvient même à hanter l’inspecteur Takabe. Il y a un sorte de mystique lié au cadre japonais : l’humidité et l’air extrêmement lourds donnent parfois l’impression de sentir sur soi des doigts invisibles. Le fantôme ne commet aucun meurtre, mais il incite à les commettre. Kurosawa a voulu créer un spectre moderne : l’hypnose n’y est pas pour rien et tout ce qui est d’ordinaire refoulé va se transformer en assassinat. D’ailleurs, le duo formé par l’enquêteur et un psychanalyste est amplement développé. Mamiya pousse à bout la politesse : il apparaît comme un malade amnésique avec, cependant, une ironie méchante. Mamiya est-il un missionnaire ? De quoi ? L’apocalypse en cette fin de siècle ? Rappelons que le film Cure est sorti en 1997 au Japon. Beaucoup de films angoissants crèvent l’écran dans l’archipel nippon à l’aube de l’an 2000. Ils sont le reflet de théories annonciatrices du pire, de l’éclatement de la bulle financière, du tremblement de Kobé (1995), et surtout de l’attentat au gaz sarin dans le métro de Tokyo (mars 1995) par une secte aux funestes desseins. Kiyoshi Kurosawa continuera dans cette voie, pour le moins spectrale, avec notamment Kaïro (2001), Rétribution (2007) et Vers l’autre rive (2015).
Entretien avec Kiyoshi Kurosawa (15 minutes) :
Le premier film japonais reconnu par l’Occident a été l’apocalyptique Godzilla. Kiyoshi Kurosawa s’en rappelle comme une énorme boule de terreur noire. Le réalisateur dévoile ensuite le danger le plus sournois, celui que nous portons à l’intérieur de nous, car il n’a pas d’échappatoire. Le réalisateur affirme mettre en avant l’avenir, le plus souvent avec espoir, plus que la prophétie, à vocation plus sombre. Il concède le fait d’avoir des cauchemars ennuyeux. L’un d’entre eux, quand il est en plein tournage, est récurrent : c’est celui de la page blanche vide de tout scénario. Il referme alors ce dernier et donne tout de même des directives. Il reconnaît que chez grand nombre de réalisateurs japonais, ainsi que dans la société nippone, perdure la crainte d’une fin. Il est question des cycles que ne pourrait esquiver le pays du soleil levant (notamment les tremblements de terre majeurs tous les cinquante ou cent ans). Un intérêt pour Nostradamus publié au Japon il y a une vingtaine d’années peut nous surprendre mais c’est le symbolisme des chiffres qui en a fait un best-seller dans l’archipel.
Les suppléments comprennent également la bande originale.
L’image
16:9 compatible 4/3 - format d’origine respecté 1.85 - Couleurs - Nouveau master restauré.
Le son
Version originale Dolby Digital 5.1 et 2.0 - Sous-titres français.
Extrait de Cure :
– Sortie DVD : 28 juillet 2021
Galerie Photos
Le choix du rédacteur
Votre avis
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.
aVoir-aLire.com, dont le contenu est produit bénévolement par une association culturelle à but non lucratif, respecte les droits d’auteur et s’est toujours engagé à être rigoureux sur ce point, dans le respect du travail des artistes que nous cherchons à valoriser. Les photos sont utilisées à des fins illustratives et non dans un but d’exploitation commerciale. Après plusieurs décennies d’existence, des dizaines de milliers d’articles, et une évolution de notre équipe de rédacteurs, mais aussi des droits sur certains clichés repris sur notre plateforme, nous comptons sur la bienveillance et vigilance de chaque lecteur - anonyme, distributeur, attaché de presse, artiste, photographe. Ayez la gentillesse de contacter Frédéric Michel, rédacteur en chef, si certaines photographies ne sont pas ou ne sont plus utilisables, si les crédits doivent être modifiés ou ajoutés. Nous nous engageons à retirer toutes photos litigieuses. Merci pour votre compréhension.
Norman06 21 avril 2009
Cure - Kiyoshi Kurosawa - critique
Un bon film policier, qui combine les genres du film de serial killer et du surnaturel. C’est bien filmé, et le dénouement, ambigu, est digne de certains films de Cronenberg ou de David Lynch.