L’image dans le tapis
Le 2 février 2022
Antonioni poursuit son chemin singulier et peint l’angoisse existentielle en couleurs.


- Réalisateur : Michelangelo Antonioni
- Acteurs : Monica Vitti, Richard Harris, Carlo Chionetti, Xenia Valderi, Rita Renoir
- Genre : Drame
- Nationalité : Français, Italien
- Distributeur : Carlotta Films
- Durée : 1h55mn
- Date télé : 3 août 2023 23:00
- Chaîne : OCS Géants
- Reprise: 26 janvier 2022
- Titre original : Il deserto rosso
- Date de sortie : 28 octobre 1964
- Festival : Festival de Venise 1964

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Résumé : Giuliana, mariée à un industriel, Ugo, et mère d’un petit garçon, Valerio, est sujette à de fréquentes crises d’angoisse. Elle erre dans la triste banlieue industrielle de Ravenne tout en essayant de donner sens au monde qui l’entoure. Elle recherche le réconfort auprès de Corrado, un ami de son mari venu recruter de la main-d’œuvre pour fonder une usine en Patagonie. Mais celui-ci se révèlera également incapable de la comprendre et elle retournera sans réponse à ses interrogations.
- © 2021 Carlotta Films
Critique : Le désert rouge n’est certes pas un film très amusant ni divertissant - il raconte entre autres la lente et calme descente aux enfers d’une femme aux prises avec son angoisse et son mal-être - mais il est assurément un film beau. Beau, c’est-à-dire qu’il se préoccupe - aussi - d’art et de beauté sous ses dehors, un peu datés, de film sur la réalité sociale, laborieuse et bourgeoise, auquel il ressemble. C’est même cette beauté, picturale et presque abstraite, qui saisit comme une expérience singulière dans les toutes premières images. La qualité de la lumière, la sophistication du cadre, le jeu des taches de couleurs dans le plan, jamais disposées au hasard, font du Désert rouge une véritable expérience esthétique - jamais gratuite ni vaine cependant, toujours pleine d’un sens caché et montré en même temps. Aux singularités du cinéma - de l’image - Antonioni ajoute naturellement celles de son rythme, tellement personnel (celui de Profession : reporter et de La nuit), mais aussi la musique, "électronique" déjà, et tous les sons d’un monde qu’il ne cherche jamais à imiter (pas de naturalisme, jamais, dans son regard) ni à dénoncer (ou à peine, et là n’est pas l’important), mais à recréer dans ce qu’il sait faire : du cinéma.
- © 2021 Carlotta Films
Une expérience et une énigme. Plus que tout autre peut-être, Antonioni rechigne à nous dire pourquoi. Plus que tout autre il place une énigme dans chacun de ses films : énigme de l’amour (L’avventura, avec déjà la si mystérieuse Monica Vitti), énigme de l’identité (Profession : reporter), énigme de la femme (La nuit) ou énigme tout court (Blow-Up)... mais l’image est dans le tapis et l’énigme dans l’image - plus, beaucoup plus que dans une histoire qui n’est jamais une mais multiple, dans Le désert rouge comme dans L’avventura. Ainsi de ce flou qui investit tout à coup l’écran, ou de ces manteaux de couleurs dans un paysage industriel désolé ; ainsi de ces bacchanales sans queue ni tête dans un cabanon délabré ou des sermons psychologiques que l’héroïne s’adresse à elle-même. Si Le désert rouge est une histoire d’amour, un portrait de femme, un film de son époque sur la lutte des classes, Antonioni prend son temps pour nous dire combien tout cela est finalement inutile et superflu. Ce qui compte, c’est le rouge : c’est l’image, et tout ce qu’elle dit à côté, au-delà des paroles et des gestes des personnages.
– Reprise en version restaurée : 26 janvier 2022