La révolution d’Antonioni
Le 2 février 2022
Quand Antonioni inventait un nouveau langage cinématographique.
- Réalisateur : Michelangelo Antonioni
- Acteurs : Monica Vitti, Gabriele Ferzetti, Lea Massari, Dominique Blanchar, Esmeralda Ruspoli, Renzo Ricci
- Genre : Drame, Noir et blanc
- Distributeur : Athos Films
- Durée : 2h17mn
- Date télé : 4 février 2022 00:35
- Chaîne : France 3
- Reprise: 28 octobre 2020
- Box-office : 870.397 entrées France / 459.077 entrées Paris Périphérie
- Date de sortie : 14 septembre 1960
- Festival : Festival de Cannes 1960
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Résumé : Pendant la croisière d’un groupe de riches Italiens au large de la Sicile, une jeune femme disparaît. Partis à sa recherche, son fiancé et sa meilleure amie se sentent attirés l’un vers l’autre.
Critique : Quel tollé à Cannes ! Une bronca du public dont on se souviendra longtemps. C’est qu’Antonioni a cassé tous les codes. De ce scénario, un autre plus convenu que lui aurait fait un thriller psychologique. Mais le réalisateur italien se fiche totalement du mystère de la disparition d’Anna. C’est autre chose qu’il cherche à montrer. Il laisse donc se diluer l’histoire qui n’était qu’un prétexte scénaristique [1] pour personnifier l’absence - et qui lui a permis de tourner dans les magnifiques paysages désertiques des îles Éoliennes. Il se centre totalement sur ses personnages. Posant son œil sur eux, les fouillant, il surprend encore plus en ne cherchant en aucune manière à expliquer leurs comportements. Ce qu’il nous donne à voir et à ressentir, c’est l’invisible. Ce que l’on a nommé à l’époque d’un mot qui hélas colle à la peau d’Antonioni : "l’incommunicabilité". Pas vraiment faux, mais qui restreint considérablement son propos. Disons, pour être plus exact, qu’il cherche à surprendre les minuscules dérapages intimes, les entre-deux, les glissements, les failles et les flottements. Déroutant, bien sûr, pour le spectateur d’être confronté à ces instants fugaces que l’on pense par essence impossibles à capturer. Mais la vie est faite de cela, bien loin des clichés auxquels nous a habitués le cinéma. A y bien regarder, ne peut-on pas dire qu’Antonioni, en innovant de la sorte, a inventé une nouvelle forme de réalisme ?
Sans se démonter par l’accueil si violemment hostile du public, le jury de Cannes donnera sa chance à ce film en le couronnant d’un prix spécial pour la beauté de ses images et sa recherche d’un nouveau langage cinématographique [2]. Il fera une carrière internationale exemplaire et il est toujours cité dans les meilleurs films de tous les temps, derrière l’indétrônable Citizen Kane.
Quarante-quatre ans après sa première projection et des dizaines de savants commentaires (Deleuze, Lacan, etc.), L’avventura reste déstabilisant pour certains, frustrant pour d’autres. Il s’agit en tout cas d’une œuvre singulière et ouverte à un vaste champ d’interprétations, une véritable expérience cinématographique illuminée par la présence de Monica Vitti irradiant de sensualité. Antonioni avait trouvé sa muse. Dans la foulée, il tournera avec elle La nuit et L’éclipse qui composeront avec L’avventura ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui sa trilogie. Celle d’un désert moral, fait d’égoïsme et de manque de sincérité, dans lequel la poursuite du bonheur ne peut-être que totalement vaine.
[1] Façon de parler un peu cavalière puisque le scénario de L’avventura est dû à la plus talentueuse des plumes cinématographiques italiennes, le grand et prolifique Tonino Guerra, co-auteur d’à peu près tous les films d’Antonioni mais aussi collaborateur du gratin du cinéma italien : Fellini, Rosi, De Sica, Monicelli, les frères Taviani, etc.
[2] La Palme d’or reviendra cette année-là à La dolce vita ce qui prouve, si besoin est, la vitalité du cinéma italien au début des années soixante
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