Coffret La Vie est à nous - le test DVD

Un coffret très riche, mélange de fictions et de documentaires, indispensable pour comprendre l’esprit de 1936.

L’argument : Seize films, tournés de 1935 à 1938, qui témoignent de ces années d’effervescence politique et créative.

Les films : DVD 1 : Le morceau de roi, c’est évidemment La vie est à nous (1936, 1h04mn), supervisé par Renoir, qui porte un regard aussi naïf qu’enthousiaste sur les combats du parti communiste. Mélange de fiction et de documentaire, le film se permet quelques audaces provocantes. Il est accompagné de documents dontGrèves d’occupations (1936, 12mn), qui amuse par sa description bon enfant des importants mouvements de juin 1936.

La critique : ICI
Le défilé des 500 000 manifestants à la porte de Vincennes, 14 juillet 1935 (1935, 20mn) restitue la ferveur d’un événement historique : tout semblait possible et la belle unité contre le fascisme, l’antisémitisme se teinte pour qui connaît la suite d’une amère ironie. La foule est immense et le film s’enivre de ce succès, jusqu’à l’émotion audible du commentateur.

Curiosité absolue, Le 7ème congrès du Komintern à Moscou (1935, 27mn) est constitué de deux discours. Maurice Cachin et Maurice Thorez y rivalisent d’emphase pour saluer les progrès du PC français et les réussites de l’URSS. On reste confondu par la lucidité vis à vis du nazisme et l’aveuglement dans la célébration sans nuances de Staline et du paradis communiste (« vérité, raison, paix, fraternité »). Témoignage inouï, ce documentaire paraît néanmoins un peu long au néophyte.
La municipalité communiste de Gennevilliers créa patronages et colonies de vacances, le faisant savoir par un documentaire, Les Châteaux du bonheur (1936, extrait de 11mn). Outre le discours initial, assez ridicule, le film témoigne d’une vision morale et hygiéniste fascinante ; on goûte également le commentaire précieux, à l’impeccable diction.
La fête de L’Humanité est l’objet de Garches 1936 (1936, 9 mn) : spectacles, défilés, sports, discours et folklore se succèdent sans voix off. Le corps y est glorifié et là encore la foule impressionnante est valorisée par de nombreux plans.
DVD 2 : Le temps des cerises (Jean-Paul le Chanois, , 1937, 1h12mn) entrecroise plusieurs destins de 1895 à 1937. Malgré une visée didactique un peu lourde, le film réussit à choisir habilement des moments significatifs, émouvants et cruels, et parfois d’une ironie mordante. Il oppose l’appât du gain des riches à la douloureuse solidarité des pauvres, insistant sur le sort réservé aux vieux.

Cinq documents accompagnent cette fiction : Le 9ème grand prix cycliste de l’Humanité, (1937, 14 mn) ; Paris 1937, exposition internationale des arts et techniques (1937, 21 mn) ; La grande espérance (1937, extrait de 12 mn) ; Magazine populaire n° 1 (1938, extrait de 18 mn) et Breiz Nevez (1938, 11 mn). Ils dessinent un mélange d’espoir insensé, de joie festive et d’inquiétudes face aux dangers des fascismes. Irremplaçables, ces petits films sont le reflet naïf d’une époque sans réel équivalent.
DVD 3 : ce disque regroupe des œuvres syndicales, volontiers lyriques, exaltant les réalisations modernes et l’effort des travailleurs. Sur les routes d’acier (1938, Boris Peskine, 39 mn) est un hymne soigné et grandiloquent aux hommes du chemin de fer. Les Bâtisseurs (Jean Epstein, 1938, 49 mn) s’intéresse à l’histoire du bâtiment par ceux qui le font ; là encore l’intérêt historique est indéniable (voir, par exemple, les explications de Le Corbusier). Plus engagé, Les métallos (Jacques Lemare, 1938, 38 mn) part de grèves et occupations d’usines pour aboutir aux acquis du Front populaire. Enfin, La Relève est une fiction anonyme de 1938 (12 mn), passionnante en ce qu’elle critique les reniements du gouvernement de gauche et sa non intervention en Espagne et ce malgré des acteurs exécrables.

Les suppléments :

Même si l’on ne considère pas comme des bonus le nombre conséquent d’archives, le fort livret (104 pages), confié à divers spécialistes, est d’une grande richesse, du point de vue cinématographique (la restauration, Le Chanois) aussi bien qu’historique. Entre la densité des textes et l’abondance des illustrations, c’est une mise en perspective remarquable du coffret.

L’image :

Malgré la restauration, l’image est souvent médiocre : manque de contraste et de définition, parasites. On passe du potable (La vie est à nous) au pénible (Le Congrès du Komintern). Néanmoins, au vu de l’intérêt du coffret, on accepte cette qualité très inférieure à nos attentes contemporaines.

Le son :

Là encore, la seule piste proposée (et pour cause) présente une musique éraillée et des dialogues étriqués, parfois à la limite du compréhensible. C’est le lot de documents rares et, redisons-le, précieux.